Les saisons passent, de la canicule de juillet au brouillard humide et froid de décembre, les sans logis restent, sur un morceau de trottoir ou le long d'un canal. Mais tout à coup le paysage figé se met en mouvement, viennent d'y surgir des artistes, des infirmières, des ingénieurs qui se disent « bien logés » et s'invitent à partager la nuit de ceux qui campent dans l'hiver.
Ils entrent ainsi par effraction sur la scène politique, « citoyens refusant la situation inhumaine que vivent certains d'entre nous » et posent comme priorité de l'action publique l'accès à un vrai logement pour tous. L'impact de cette action n'est pas seulement le fait d'une habile tactique médiatique imposant aux politiques, en pleine campagne électorale, à prendre position sur la question du logement. C'est un élan qui réveille une conscience anesthésiée par le sentiment d'impuissance : que faire quand je surprends une vieille femme se rhabillant au petit matin dans une cabine téléphonique ? que faire quand l'allée que j'emprunte sert de dortoir à deux hommes écrasés par le sommeil et l'alcool ? Partager, comme font les enfants de Don Quichotte, cette indignité faite à certains d'entre nous, c'est devenir plus dignes, ensemble. Il ne s'agit donc pas seulement d'un levier pour peser sur les autorités publiques mais d'exercer sa responsabilité personnelle en reliant son sort à celui des plus démunis. Et nous voyons à quel point ce lien a un formidable pouvoir de transformation sur chacun des acteurs (sans domiciles fixes, bien logés, professionnels du social, militants, journalistes, politiques) et rend subitement possible d'agir sur l'intolérable injustice.
Alors oui pour que l'Etat engage des moyens qui permettent à chacun de disposer d'un espace privé dans la cité, comme l'exige la charte des enfants de Don Quichotte. Mais aucune institution, constitution ou texte de loi ne peut être garant de la dignité, ça c'est notre affaire, comme personne, comme citoyen. La dignité ne s'évalue pas selon des critères d'intégration sociale, logement, travail, famille. Quand un sans abri refuse d'aller dans un centre d'hébergement et préfère un campement à tout vent, n'est-ce pas une façon d'affirmer sa dignité, son inaliénable liberté alors même que le choix se résume à ces deux seules options ? La plus grande atteinte à la dignité est de ne pas considérer l'autre comme capable d'agir sur sa propre vie. Or il n'est pas proposé, dans la charte des enfants de Don Quichotte, d'associer les personnes sans logis ou mal logés à la recherche des solutions qui les concernent. Il faut pour cela sortir de la seule bataille du droit et s'engager dans des démarches de co-construction (citoyens, professionnels, élus) qui s'inscrivent dans la durée, pas à pas, ce qui serait déjà une nouvelle manière d'habiter ensemble.
Pascale Puéchavy
Sur l'accès au logement
La disparition de l'Abbé Pierre et l'actualité des jours récents repose une nouvelle fois la question de l'accès au logement.
A cet égard, le débat sur le droit opposable au logement demeure, comme souvent dans ce pays, de l'ordre du symbole, de la contrition ou de l'abstraction idéologique, mais ne fait guère avancer les solutions.
Qu'on se le dise une fois pour toute : ce n'est pas d'un droit dont on besoin certains de nos concitoyens sans ou avec peu de ressources, mais d'un logement. C'est dans l'ordre pratique des choses, assez différent.
Si l'on fait exception du logement d'urgence, pour lequel le recours à la solidarité collective ou à la puissance publique avec des moyens adéquats souffre peu de discussions, reste la question de l'accès normalisé au logement, en particulier pour les personnes à bas revenus.
Cela n'échappe à personne, cette situation s'étend aujourd'hui aux classes moyennes « les moins favorisées » dans certaines agglomérations, compte tenu de l'envolée des coûts de l'immobilier.
L'aide à l'accession et le logement social sont les deux leviers communément utilisés ou invoqués pour résoudre cette question.
Le premier se heurte aujourd'hui à la raréfaction et au renchérissement du foncier, qui rend les programmes hors de portée des bas revenus ; le second, le logement social, semble donc la seule alternative possible.
Il n'est cependant pas sans défaut : le plus important étant, de mon point de vue, le confinement d'une partie de la population dans un dispositif fermé et figé, dont elle a le plus grand mal à s'extraire, sans possibilité de constitution d'un premier capital immobilier nécessaire pour entrer dans le cycle achat / revente. Le second étant la sortie du marché immobilier d'une fraction importante du parc d'entrée de gamme, qui pourrait sans cela, exercer une pression à la baisse des prix sur ce segment.
La possibilité pour les locataires d'acquérir leur logement constitue incontestablement une avancée, même si elle est discutée par certains pour des motifs idéologiques.
Il me semble urgent de poursuivre l'exploration de cette voie en imaginant des dispositifs qui permettent aux bailleurs sociaux de construire davantage à faible coût (en préemptant les surfaces foncières nécessaires ou en aménageant les règlements d'urbanisme) ; puis de céder ces logement à des locataires en « contrat d'accession », ce qui leur permettrait à terme (en fonction de la durée de location ?) de revendre le bien acquis partiellement à leur profit, selon une péréquation déterminée avec l'office constructeur.
Ce dispositif, outre l'accession, renforcerait également la mixité entre propriétaires et locataires dans des programmes d'habitat qui rejoindraient ainsi progressivement le marché privé du logement.
On peut espérer également, à l'égard de projets qui ne seraient pas d'emblés fléchés comme de futurs ghettos mais comme des programmes de logements ordinaires, atténuer les préventions, pour ne pas parler de méfiance, des élus locaux.
En conclusion, cette perspective revient à orienter la mission des offices HLM et des bailleurs sociaux vers un rôle d'aménageur, plutôt que de gestionnaires d'un parc immobilier exclusif.
Certains le font déjà. Donnons leur en clairement les moyens et la mission.
Olivier Favreau
Comment by Olivier FAVREAU — 30 janvier 2007 @ 10:02
Pascale Puechavy bonjour,
Je trouve ce texte parfait et plein de respect. Je souhaiterais m’en servir pour en constituer un préambule à un rapport que je suis en train d’écrire, concernant l’évaluation du PDALPD du Gard. M’en donnez-vous l’autorisation ? MERCI de me répondre
Comment by France Carréga — 24 mars 2007 @ 8:54