Dernière lettre avant la coupure estivale… elle vous propose une trace de notre échange (stimulant aux dires de ceux qui y ont participé) avec Patrick Viveret sur le défi démocratique lors de la plénière du 16 juin.
Vous trouverez aussi une présentation rapide des ateliers qui devraient se poursuivre ou voir le jour en septembre. Le programme est alléchant et j'espère que celles et ceux qui hésitaient jusque-là à s'engager pour un voyage au long cours dans un atelier trouveront matière à s'impliquer.
Par ailleurs, Aurélie Guillemet, stagiaire aux Ateliers depuis mars, a mis en place la base de notre nouveau site internet, plus interactif et plus facile à mettre à jour. Merci à tous ceux qui nous ont aidé à le concevoir, notamment Bruno Vincenti. Vous retrouverez la clarté de la ligne graphique qui caractérise les Ateliers depuis l'origine grâce à notre collaboration constante avec Emmanuel Besson.
Pré-ouverture le 13 juillet, l'espace collaboratif sera disponible pour les membres des Ateliers à la rentrée.
Intervention de Patrick Viveret
La crise du politique actuelle n'est pas un problème de personnes à remplacer mais de système à transformer. La question est « comment se prennent les décisions ? » La chaîne de décision ne permet pas de traiter les questions d'aujourd'hui et de demain. Anecdote significative : on a un ministère pléthorique pour les questions agricoles qui ne touchent plus que quelques % de la population active et on n'a pas même de secrétaire d'Etat aux services qui emploient la plus grande part de la population.
La transformation ne peut s'opérer que dans une logique d'hybridation entre société civile et institutions. Pour des raisons aussi bien pratiques que théoriques.
La démocratie a apporté deux progrès majeurs sur la question du pouvoir : elle a permis de sortir du monopole du pouvoir et de pacifier ses modes de conquête. Ces avancées ne sont plus suffisantes pour traiter les problèmes actuels.
Premier enjeu : passer d'une approche quantitative de la démocratie à une approche qualitative
La loi du nombre n'est pas une garantie de qualité. On sait que Hitler est arrivé au pouvoir porté par une majorité de citoyens. Le seul fait du nombre ne garantit pas la vertu. Il doit être possible de se poser la question de la qualité du travail du peuple. Le point essentiel est de disposer de processus permettant de construire du jugement. L'outillage existe (conférences de citoyens, jury délibératifs, et autres formes de démocratie participative,…) ; il faut apprendre à s'en saisir. Une minorité peut légitimement aider à faire bouger l'opinion majoritaire (cf. 12 hommes en colère).
Deuxième enjeu : faire face à l'ambivalence du pouvoir, à la fois puissance créatrice et puissance de domination
D'un côté, il y a le Pouvoir, avec un P majuscule et considéré comme un substantif : Pouvoir SUR ; de l'autre, il y a le pouvoir DE, verbe qui ne prend son sens que complété par un verbe d'action.
Pouvoir sur / pouvoir de
A la puissance de domination correspond la peur / à la puissance créatrice correspond la coopération.
Les élus sont dans l'ambivalence : ils peinent à sortir de logique de puissance. Le pouvoir politique n'est évidemment pas le seul concerné par cette ambivalence : en économie, l'entreprise est dans la création/captation de richesses ; dans le domaine spirituel, les religions sont dans la création/captation du sens.
Troisième enjeu : mener un travail sur soi pour développer une qualité relationnelle
Comment sortir de la déception de la découverte de l'autre comme autre ? Les groupes fonctionnent comme les relations amoureuses. Le premier temps est fusionnel, mû par le sentiment que l'autre est un autre soi-même. Le deuxième temps est celui de la découverte de la différence, la plupart des groupes (comme des couples) n'y résiste pas ; pour ceux qui passent à travers cette épreuve, le troisième temps consiste à goûter la différence de l'autre, à la rechercher et pas simplement à la supporter.
Pour y parvenir il faut construire concrètement un rapport positif à la différence en apprenant à construire ses désaccords ; il faut plus fondamentalement évoluer dans sa « posture de vie ».
Construire des désaccords, c'est penser le conflit comme alternative à la violence. Le conflit n'est pas un problème en soi, c'est le malentendu qui va souvent avec. Si l'on cherche à clarifier sur quoi portent les désaccords, en donnant à chacun le même niveau d'information, en permettant à chacun de s'exprimer, bien des désaccords s'évaporent : ils n'étaient que des malentendus. Des désaccords mis en évidence sont plus faciles à assumer car on est d'accord au moins sur une chose : la nature de nos désaccords. Un bon moyen de traiter ces désaccords est de rechercher réciproquement ce qui est, de son point de vue, le plus recevable dans l'opinion de l'autre.
Mais travailler sur la relation à l'autre est avant tout un travail sur soi. Il faut parvenir à être au clair sur toutes les passions qui nous habitent : lucide par rapport à la puissance, à la richesse, au sens. Il faut travailler à développer la qualité de bien être et la joie pour ne pas être dans la recherche de compensation. Ainsi, dans les activités sociales, on peut vite passer de bénévole à « bénévoleur » et faire payer très cher sur le plan relationnel l'aide qu'on est censé apporter.
En ce sens, il s'agit bien de « choisir d'être heureux », ce qui est un acte très personnel… et très politique ! Dit autrement, il s'agit de revoir son rapport au temps pour vivre à la « bonne heure », c'est-à-dire en étant pleinement présent aux situations que l'on vit, aux rapports que l'on noue avec les autres… C'est aussi sortir du stress, de « la tension » pour aller vers « l'attention ».
En complément, dans l'échange :
La sagesse, une question politique
La sagesse, la sainteté, la joie de vivre : trois termes équivalents pour Patrick Viveret. Proposer la « sobriété joyeuse » (ou toute autre formule de ce type) est clairement un enjeu majeur pour la politique. Est-ce pour autant aux élus de le porter ? On ne peut pas imposer la sagesse, les élus ont aussi en charge l'ici et maintenant et ne doivent pas placer la barre trop haut. En revanche il est indispensable que dans le champ politique cette question de la sagesse, de la sobriété soit portée par des acteurs qui proposent et explorent cette voie.
Pour que les élus puissent s'ouvrir à d'autres pratiques que la puissance dominatrice, il faut les aider à sortir de la précarité. Le travail sur le statut de l'élu reste indispensable. Une piste explorée avec Jean-Pierre Worms : que les anciens élus puissent devenir professeur associés dans l'enseignement supérieur pour partager leur expérience de la chose publique.
La joie comme critère d'évaluation
Le sourire est un bon indicateur. On repère très vite les sourires factices… Face au militantisme sacrificiel et au puritanisme guerrier qui nous menacent la coopération est une voie d'avenir, d'où l'idée d'un réseau des coopérateurs ludiques (voir charte ci-dessous). Il faut en effet renforcer les coopérateurs festifs pour sortir de la désespérance. Par effet de contagion, on peut gagner ceux qui ne sont pas encore des coopérateurs mais qui ne se reconnaissent pas dans les guerriers puritains : ce sont à la fois ceux qui auraient envie d'agir mais qui n'osent pas (les « et-si-nous ») et, plus difficile, ceux qui n'y croient plus (les « a-quoi-bon »).
Coopérateurs ludiques
Pour un réseau mondial de Coopérateurs Ludiques
Considérant :
– Que l’Humanité est aujourd’hui menacée par la pire des guerres celle des civilisations,
– Qu’il est indispensable d’ouvrir une voie alternative, coopérative et solidaire afin de créer les conditions d’un vrai dialogue des cultures, des spiritualités et des religions,
– Que cette guerre est aujourd’hui menée au nom des fondamentalistes et des intégrismes puritains de toutes natures, d’accord pour s’accuser mutuellement d’incarner le Mal et les Ténèbres,
– Qu’elle se nourrit des conséquences de la guerre économique et sociale mondiale, source d’humiliation et de misère pour une grande partie de la population mondiale et terreau de toutes formes de fanatisme et de terrorisme.
Les acteurs soussignés de la Rencontre internationale » Globaliser la Solidarité » tenue à Québec du 8 au 11 octobre 2001 :
1- entendent opposer à cette logique de guerriers puritains fascinés par la mort celle de coopérateurs ludiques et festifs amoureux de la vie,
2- décident en conséquences de constituer un réseau international de coopération, de lutte et d’expérimentation en vue de donner à tout terrien les moyens de vivre dans la dignité et dans l’intensité l’aventure humaine,
3- lucides sur le fait que, contaminés par des logiques dominantes nous sommes nous mêmes plus souvent des guerriers puritains que des coopérateurs ludiques, nous nous engageons sans attendre le résultat de nos luttes à nous entraider mutuellement à l’exercice d’une meilleure qualité de la vie individuelle et collective,
4- une boite à idées est ouverte sur Internet en vue de cette initiative,
5- il est proposé que le séminaire prévu dans le cadre du prochain Forum Social Mondial de Porto Alegre sur le thème » Transformation personnelle et Transformation collective » constitue le premier cadre d’accueil et d’imaginaire de cette initiative.
Aller faire des stages dans les partis
On peut légitimement se poser des questions sur la pertinence des partis, de leur rôle dans une démocratie. Pour autant ils existent et servent de lieu de sélection du personnel politique et des idées mises en oeuvredans les politiques publiques. Il n'est sansdoute pas inutile d'aller y faire des passages avec l'espoir d'influer de l'intérieur. La désertion n'est de toute façon pas source d'efficacité. On sait que le milieu politique déteint vite sur ceux qui y entrent, il est prudent de n'y faire que des stages si on veut conserver son rôle d'empêcheur de penser en rond.
Enfin deux propos brefs mais, à mes yeux, importants
Sur le consensus : le consensus n'est pas un minimum commun, préexistant entre les points de vue des uns et des autres, c'est une construction, forcément neuve. (on est bien loin du fameux – et funeste- « consensus mou » !)
Sur l'idéalisme : on entend souvent l'expression : « C'est sympa, mais c'est idéaliste ». Le vrai réalisme aujourd'hui est sans doute du côté des prétendus idéalistes. Les réalistes ne voient pas comment la poursuite des pratiques actuelles mène à la sortie de route.
Les ateliers de la rentrée
Suite à la plénière des Ateliers de juin, voici les ateliers envisagés pour la rentrée 2006. Par ailleurs, la pérennisation des Ateliers passe comme on l'a vu en plénière par une plus grande implication des entreprises, notamment en mobilisant le Droit Individuel à la Formation, et sans doute aussi par une reprise hors de Rhône-Alpes de cette modalité d'apprentissage de la citoyenneté.
Ateliers sur Lyon
poursuite de l'atelier sur les déplacements durables
avec 2 points de vigilance :
– ré-élargir le groupe à de nouveaux participants
– mettre au point une méthode d'animation qui permette à la fois de mener un travail de discernement collectif ouvert impliquant tout le groupe et de poursuivre la conception de l'outil de sensibilisation – BD ( les éléments de scénario pourraient par exemple être la forme de contribution écrite que les membres de l'atelier pourraient choisir)
création d'un atelier sur violence et citoyenneté
cet atelier s'appuiera sur
– la réflexion menée par Philippe Cazeneuve et Colette Desbois sur la possibilité d'utiliser le théâtre-forum pour aider chacun à mieux assumer sa part de responsabilité face aux incivilités
– les contacts pris sur la Duchère avec des habitants qui ne trouvent pas d'écoute auprès des institutions et des associations sur les questions de violence auxquelles ils se trouvent régulièrement confrontés
– les contacts avec Xavier Faussurier (ex-commissaire et spécialiste de la sécurité, promoteur de forums locaux de tranquillité), Martine Mainenti (consultante politique de la Ville)
– la réflexion partagée en plénière sur le livre de Jacques Donzelot à propos de l'empowerment
l'atelier pourra partir d'un travail de mise au clair de notre rapport personnel à l'incivilité avant de voir les conditions d'une approche collective et citoyenne de la régulation de la violence
création d'un atelier sur l'évaluation citoyenne des habiletés sociales
cet atelier s'appuiera sur
– les suites de l'initiale consacrée à l'interculturel de Rillieux (un groupe comprenant des personnes de plusieurs centres sociaux souhaite avancer sur ce thème)
– les liens noués avec le « collectif richesses » (Viveret) pour bénéficier de leurs travaux sur l'évaluation
– les suites possibles de l'université d'été de la FREREF à laquelle nous allons contribuer activement en animant l'atelier « quelles compétences pour demain ? » ( un programme européen pluri-régional pourrait en découler)
l'atelier partira des expériences concrètes vécues dans les différents collectifs auxquels participent les membres de l'atelier
création d'un atelier parcours de vie
cet atelier s'appuiera sur
– les outils/démarches conçus précédemment pour explorer les choix de vie (café orientation, jeu des métiers)
– les contacts pris avec des organismes comme les centres sociaux, les foyers de jeunes travailleurs pour y animer des rencontres mixant les publics
l'atelier alternerait ainsi des temps d'expérimentation et des temps de réflexion sur l'amélioration des démarches d'orientation et la stratégie de déploiement possible de nos approches dans un contexte où l'orientation redevient un sujet d'actualité (cf feuille de route du gouvernement pour 2006/07)
NB : ces deux ateliers feront suite à l'atelier métiers et à l'amorce d'atelier sur la coopération intergénérationnelle issu de la rencontre organisée avec ARAVIS en janvier 2006.
création d'un atelier élection et citoyenneté
Cet atelier s'appuiera sur
– la réflexion menée depuis le 22 avril sur le rôle des citoyens dans le fonctionnement politique
– la réflexion proposée par Guy Emerard sur la signification de « l'élection » vue comme une onction mettant « à part » la personne qui en bénéficie
– les liens avec l'atelier « dialogue élus citoyens » qui a commencé son travail sur Paris
Ateliers sur Paris
poursuite de l'atelier Dialogue élus- citoyens
Avec le souci de l'élargir progressivement à d'autres élus
poursuite ou transformation de l'atelier lieux de consommation
à définir après réunion de l'atelier du 19 juillet
recherche de sujets soit complémentaire du sujet actuel, soit autres avec ouverture souhaitée vers d’autres participants
Ateliers sur Grenoble
création d'un atelier sur santé et citoyenneté et/ou sur habitat et citoyenneté
projet mené avec la benjamine de l'atelier « seniors dans la Cité »
en lien avec un projet de développement des Initiales sur Grenoble (contacts à finaliser avec la maison des associations (Ville de Grenoble) et à prendre avec Sciences Po)
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