NOTRE ACTUALITE
Faire vivre les Ateliers
Au cours d’une réunion publique, j’ai eu la surprise d’entendre une personne se présenter comme « membre des Ateliers ». Spontanément je n’aurais pas dit que cette personne, qui a participé à une plénière et à une ou deux Initiales, était membre des Ateliers. J’ai trouvé sympathique que des gens mêmes peu impliqués se sentent partie prenante d’un collectif et le revendiquent ; en même temps, je me suis senti questionné : qu’est-ce que ça veut dire aujourd’hui cette notion de « membre » pour un réseau comme celui des Ateliers ?
Cette question, on ne se l’est guère posée jusqu’ici, pourquoi se la poser maintenant ? Tout simplement parce qu’elle est une des clés de la pérennisation des Ateliers. En effet, après une phase de création, où j’ai beaucoup investi, je suis financièrement contraint à réduire le temps que je consacre aux Ateliers; je l’ai d’abord vécu comme une épreuve personnelle, et puis avec le soutien des membres du comité d’orientation (les fondateurs et les animateurs d’ateliers), j’ai compris que les Ateliers étaient mûrs pour se développer de façon plus collective.
C’est le pari que fait aujourd’hui le comité d’orientation en vous invitant tous à une assemblée générale fondatrice, le 1er avril. (aux Ateliers, on a le sens des dates !) Venez nombreux à cette assemblée, c’est le meilleur moyen pour que la phrase « je suis membre des Ateliers » prenne tout son sens !
Une invitation à l’Assemblée Générale du 1er avril vous parviendra dans les prochains jours.
Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY
Et pour montrer la richesse des échanges qui ont précédé cette nouvelle orientation, voici quelques extraits des mails échangés depuis plusieurs mois, … avec mes excuses à tous ceux dont je n’ai pas repris les propos.
Tout d’abord, j’ai la conviction que les Ateliers sont un des rares lieux (le seul ?), sur Lyon tout au moins, où l’on peut parler d’innovation sociale en terme d’entreprendre (citoyenneté entreprenante). Pour moi, cette option est très importante car elle ouvre la reconnaissance, la valorisation de l’utilité sociale dont notre société a de plus en plus besoin.
Ceci dit, la situation financière des ADC pourrait nous faire penser que cette option fait partie de l’illusion.
Je pense qu’il faut prendre un peu de recul pour dire que l’activité des ADC connaît comme beaucoup de jeunes entreprises sa première crise de croissance et qu’il ne s’agit surtout pas de « jeter le bébé » avec l’eau du bain !
D’une façon générale, je pense que les possibilités existent pour faire vivre les ADC, d’en équilibrer les comptes. En terme entreprenarial, la première pierre a été posée, en grande partie par HCD qui a pris des risques, peut-être un peu trop seul, mais avec notre complicité, dite ou non dite. […] Ne nous laissons pas décourager par un passage délicat qui, à l’analyse, me semble « normal », en tous cas pas insurmontable !
Jean-François Lambert
Ainsi donc la dure réalité économique viendrait cogner contre notre douce utopie, emportant son goût suave pour le supplanter par le coût âpre du temps –c'est de l'argent, comme chacun sait -. […]
Nous aurions donc ces espaces, les Ateliers, où la responsabilité individuelle quant au devenir collectif est affirmée et se traduit très concrètement par la qualité exigeante des relations et des échanges entre ses membres. Ce parti pris de porter attention à la qualité même de la relation n'est pas seulement une position morale c'est une façon efficace d'agir sur nous-même, les autres et notre environnement, et je peux témoigner de cette efficacité par les effets produits sur ma vie personnelle (que je ne détaillerais pas ici) comme beaucoup d'entre nous.
Et puis nous aurions un comité d'orientation, dont la mission serait de réunir les moyens nécessaires à la poursuite de l'entreprise. Ici la réalité y serait crue, il n'y est pas de mise de porter attention à l'intégrité de l'autre, comme si la crudité des chiffres autorisait à se livrer à une mise à nu d'autrui. Ce n'est pas la réalité économique qui est une horreur mais la forme brutale des échanges que les hommes entretiennent en son nom.
Alors que nous voyons bien quelle vitalité et quelles capacités d'invention se déploient dans l'espace ouvert entre l'intime et le collectif, pourquoi ne s'applique pas ici (à la réalité économique) ce qui marche là (aux Ateliers) ?
Pascale Puéchavy
Les mots employés par Pascale résonnaient en moi. Je partageais ce qui les animait, mais il y avait quelque chose qui ne collait pas. Une peur ? Une inquiétude ?
[…] Je préfère courir le risque d'une turbulence entre nous et dans l'intimité de nos réflexions. Je ne crois pas en la solidité d'un nous fondé sur des « je » qui n'auraient pas, préalablement, affronté la solitude, celle qui est froide comme une pierre tombale. Je ne crois pas en « l'horreur de la brutalité des échanges que nous aurions eus au nom de l'économique », je ne crois pas que « nous nous soyons autorisés à une mise à nu d'autrui », je ne crois pas que « nous ayons oublié le parti pris d'une attention de qualité envers autrui ». Je pense tout le contraire. Nous en avons parlé avec Pascale. Je suis très sensible à la demande qu'elle a formulée par son écrit, mais pas à ses inquiétudes. Je crois que nous sommes dans un moment qui pourrait nous permettre d'atteindre une plus grande profondeur dans la qualité de nos relations. L'erreur serait de vouloir protéger Hervé de sa relation au réel. Pour ma part, je n'y participerais pas ; mais je ne ferais rien contre non plus car il ne m'appartient pas d'en décider. Les hommes et les femmes se forgent par les épreuves, il en va de même pour les collectifs. Je ne vois rien qui nous interdise d'y parvenir. Rien.
[…] Pour ma part je pense que nos ateliers peuvent commencer à raisonner auto-financement, non par des apports financiers – je trouve cela malsain, c'est se mettre en état de dépendance – mais par l'utilité reconnue de ce qu'ils apportent à la société dans laquelle ils se déploient.
Dominique Fauconnier
[…] Chacun y trouvait son compte, heureux de faire connaissance avec d'autres qui cherchaient à unifier leur vie professionnelle et l'aspiration à un réel engagement civique ; sans aliéner leur liberté de penser et de dire comme cela se passe malheureusement trop souvent dans le militantisme politique, syndical ou associatif.
La plupart d'entre nous ne se souciaient pas trop de savoir comment cela pouvait bien fonctionner, qui payait le temps d'Hervé et de Caroline, la location des salles ? … On savait vaguement qu'il y avait des subventions, de la Région, de la Ville ? … Mais pourquoi s'inquiéter davantage puisque, à part de timides approches, on ne nous demandait pas vraiment de nous engager sur le plan pécuniaire. Satisfait du plaisir de la réflexion collective, de l'approfondissement de nos relations ; nous étions les pairs d'une « res publica » où régnait la tolérance sans le parasitage de l'argent…
[…] Si nous sommes d'accord pour que les Ateliers nous permettent de développer des coopérations, il nous faut des structures. En commençant par la « plénière » qui doit changer de statut. Elle doit devenir l'Assemblée générale où s'élaborera et se décidera une politique, une vision commune de ce vers quoi nous voulons aller ensemble. Autrement dit nous devons passer du stade actuel où Hervé tenait un rôle d'homme-orchestre à celui d'un collectif de citoyens-entreprenants à la fois autonomes et solidaires.
Le cadre associatif convient à cet objet à condition de se doter d'une sorte de constitution et non pas seulement d'articles statutaires passe-partout. C'est à cela que nous devons nous atteler en premier et passer ainsi d'une
« monarchie éclairée » à une « république de citoyens actifs ».
Guy Emerard
Pour ma part, je suis assez attaché à l’action, c’est à dire à ce qui va découler de ce temps important au cours duquel, nous « prenons le temps » de revisiter, de travailler et retravailler la matière. Je suis aussi très attaché au coté informel de ce qui se passe et c’est en ce sens que je ne suis pas un fan du formalisme.
Par contre ce qui nous enrichit d’abord ( de mon point de vue) c’est la « reliance » entre tout ce qui bouge autour de nous sur ces questions de citoyenneté, à travers les ateliers, les initiales, mais aussi le travail de chacun dans son environnement ; C’est là, la force des ateliers et que l’on doit à Hervé, Caroline et quelques uns plus engagés que d’autres ; cette fonction de reliance est essentielle et doit demeurer ; Si cela demande le temps qui y a été consacré, nous devons nous interroger sur le comment faire de manière claire et transparente pour que cette qualité de travail et d’échanges perdure.
Claude Costechareyre
Je note que le concept d’une « association de gestion » s’est révélé être trop flou: ni complètement associatif, ni complètement gestionnaire, nous avions enfanté un objet difficile à gérer.
L’erreur évoquée ci dessus me fait penser à cette phrase de Marx « le faux est un moment du vrai » : elle aura été féconde en nous permettant de lancer une démarche dont la valeur intrinsèque (la citoyenneté entreprenante) est telle qu’elle supporte les cahots de la vie économique. Néanmoins la rectifier devient une « nécessité impérieuse » dès lors que nous en avons conscience.
Pour autant, reste à savoir si nous dégagerons assez d’énergie associative pour nous remonter en orbite. […] A chacun de se prononcer.
Jean-Pierre Reinmann
Leave a comment