…et si nous devenions des “citoyens entreprenants” ?

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Lettre d’info n° 45 – 16 avril 2007

Filed under: Lettres d'info — Auteur : — 17 Avr 2007 —

Un retour, un peu tardif, mais que j'ai voulu assez complet sur la Plénière de fin mars. Une interrogation sur notre rapport pervers à l'élection présidentielle… et pour ceux qui peinent à faire leur choix, des conseils avisés de Marc Ullmann sur une manière possible de se faire une opinion.
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Retour sur la Plénière du 24 mars

La rencontre plénière du 24 mars a confirmé la vitalité des Ateliers. La preuve, même paradoxale ? nous n'avons pas fait ce que nous avions prévu ! nous voulions faire une revue de détail de tous les chantiers ouverts… et nous nous sommes rendus compte que ce n'était plus possible : trop de sujets d'un côté, trop d'envie d'échanger et de débattre de l'autre … Nous avons bien sûr préféré permettre que des discussions de fond s'engagent plutôt que de tenir coûte que coûte notre programme. Ce fut donc une navigation à vue entre les frustrations des uns et des autres : ceux et celles qui avaient des projets à présenter, celles et ceux qui auraient aimé prolonger les échanges.
Avec cinq ans d'expérience, je me laisse encore surprendre par la richesse (pourtant récurrente) de nos échanges. Désolé de ne pas avoir été plus prévoyant.
Voici ce que j'ai retenu des échanges du matin (n'hésitez-pas à compléter).

Ateliers : démarrages et questionnements

Les ateliers fonctionnent lorsqu'ils partent réellement du vécu des participants, de « l'intime partagé » comme nous avions déjà eu l'occasion de le dire. Dès qu'on est sur une thématique générale, sans questionnement des pratiques et des situations personnelles, les ateliers tournent court. On l'a vu pour les ateliers concernant le rapport à la loi ou le rapport à la politique. Pour autant, nous ne devons pas renoncer à traiter ces questions centrales. Sont-elles  simplement à intégrer à chaque atelier comme le suggérait l'un d'entre nous puisqu'elles sont transversales à tous les sujets traités ? doit-on malgré tout y consacrer un atelier spécifique ? Ma préférence va à cette dernière approche. La question pourrait alors être la suivante : qu'est-ce qui rend possible le dialogue entre des citoyens et des élus ? comment sort-on des logiques de confrontation, de rapports de force pour entrer en coopération ? par quoi ça commence, comment on enclenche un tel processus ? quelle place reconnaît-on à l'autre ?  comment on rend possible les émergences, sans imposer ses propres intentions ?

Concernant l'atelier qui lie les questions d'incivilité et de violence, on a vu la difficulté à traiter des deux questions ensemble : cherche-t-on des solutions immédiates aux situations de violence vécues par certains ou mène-t-on un travail sur les conditions pour réduire les incivilités elles-mêmes sources potentielles de violence ? si l'on se concentre sur les incivilités, comment éviter de tomber dans le registre des donneurs de leçon ? les ateliers, pour éviter ce travers, partent des expériences personnelles, mais comment partager les incivilités que l'on commet et pas seulement celles qu'on subit afin d'éviter le commode « les incivilités, c'est les autres » ?
L'atelier « métiers » connaît un autre type de questionnement. En effet il en est à sa troisième vie. De la première à la deuxième, il a su repartir sur un registre qu'il a lui-même trouvé sans s'enfermer dans « l'exploitation » de la production de l'atelier métier, premier du nom. La restitution, « Portrait croisés, une exploration collective de nos métiers », est en ligne sur le site Internet et mérite les quelques minutes nécessaires à sa lecture !  Actuellement l'atelier métier tente de voir comment transférer ce qui a été vécu dans le cadre interpersonnel de l'atelier dans des collectifs qui se posent la question de la reconnaissance des acquis de l'expérience citoyenne et personnelle dans le cadre professionnel. Il est rappelé qu'il n'y a pas d'atelier réellement productif sans réappropriation personnelle. Un atelier n'est pas un groupe de travail sur un sujet qui vous reste extérieur. Encore une fois la dimension d'apprentissage personnel est soulignée avec force. Dès lors deux options sont possibles : « personnaliser » l'atelier ou le transformer en plate-forme d'utilisateurs de la démarche des « portraits croisés », comme on est en train de le faire avec le jeu réinventer son métier et la plate-forme Métiers-Cité.

Si nous sommes logiquement restés plus longuement sur les ateliers qui sont en questionnement, nous avons pu apprécier la vigueur de plusieurs démarrage :à Grenoble (habitat et âges de la vie) comme à Voiron (précarité et citoyenneté), les premières séances ont accueilli chacune 17 personnes grâce au travail de « recrutement » fait par Bénédicte Le Roy à Grenoble et Elisabeth Senagas à Voiron. A Paris, la relance effectuée en février porte également ses fruits (voir plus bas).

Un mot encore sur l'intérêt de la présence de nouveaux venus dans ces temps de partage de nos travaux. Comme à chaque plénière, nous avions une bonne répartition des présents entre fondateurs, participants réguliers ou occasionnels et personnes qui découvrent. Ca donne une force particulière aux échanges, faite d'envie de comprendre « comment ça marche » pour les uns et d'envie de dire « ce qu'on trouve aux ateliers » pour les autres. Avec le souci d'être vrai et ouvert à toute parole neuve.

Arrêt sur écrit et jeu du C02

L'après-midi, nous n'avons eu le temps d'expérimenter que deux animations sur les trois prévues : l'Arrêt sur écrit et le jeu du CO2.

L'Arrêt sur Ecrit est un partage des apports d'un livre à partir du point de vue d'un lecteur. Celui qu'a proposé Alain de Vulpian concernait le livre de Jacques Attali, Une brève histoire de l'avenir. Même si l'heure se prêtait à un certain assoupissement postprandial, la discussion a été vive, moins sur le livre lui-même que sur ce que devrait permettre ce genre d'échanges. Deux ou trois choses que j'ai retenues : il vaut mieux ne pas trop insister sur l'auteur, ce qui intéresse dans ce cadre, ce sont les éléments qui viennent nourrir nos démarches de citoyens entreprenants ; les fresques historiques, comme celle qu'Attali propose en refaisant l'histoire des différents « centres » qui ont dominé successivement l'aventure du capitalisme depuis le XIIIème siècle, sont intéressantes parce qu'elles permettent des mises en évidence et des raccourcis stimulants : l'absence de la France dans cette histoire économique est ainsi extrêmement frappante ; en revanche sa prospective en a laissé plus d'un sceptique, à la fois par les enchaînements qu'il propose (triomphe du capitalisme, entraînant une multiplication des conflits, puis l'émergence d'une démocratie planétaire) et par l'illusoire impression d'avoir tout compris des évolutions du monde alors qu'il passe largement à côté d'évolutions sociétales en cours. Mieux vaut encore l'incertitude que de fausses certitudes.

Le jeu du CO2 a bien fonctionné avec ses premiers utilisateurs, toutes les réactions qu'il a suscitées visant surtout à en faciliter l'appropriation par les joueurs. Il existe maintenant beaucoup de sites Internet où il est possible de calculer son « bilan carbone » mais souvent le seul enseignement qu'on en tire est culpabilisant, puisqu'on vous indique que si chacun agissait comme ça il faudrait disposer de plusieurs Terres. Le jeu testé ensemble permet pour sa part deux choses : une prise de conscience des ordres de grandeur des émissions de CO2 par types de déplacements et surtout des échanges pour rechercher des solutions, individuelles, familiales et collectives. On évite en outre la stigmatisation puisqu'on joue en groupe en tirant au sort les caractéristiques des déplacements de la « famille » constituée par le groupe. Chaque « famille » après avoir fait le bilan de ses émissions de CO2 (déplacements domicile/travail, week-ends, vacances, courses,…) échange  en interne pour voir comment diminuer ses rejets, ensuite les diverses solutions retenues sont partagées entre « familles » ce qui permet de voir la diversité des modes de réduction possibles.
D'ores et déjà le jeu suscite de l'intérêt : il sera présenté en mai à Darly, le collectif d'associations lyonnaises qui travaille sur la question des déplacements ; Geneviève Ancel l'a retenu pour les ateliers de sensibilisation des Dialogues en Humanité 2007.
L'élection n'est pas un sacre

Avec le beau temps, j'ai repris l'habitude de prendre mon café en terrasse sur le boulevard de la Croix-Rousse, le dimanche après la sieste. Je ne l'ai pas regretté ! La conversation de la table d'à côté m'a distrait du livre d'Ivan Illitch que j'avais amené. Quatre bobos, la quarantaine, discutaient manifestement de la sexualité… de leurs parents. Sans que j'ai perçu ce qui a fait dévier le cours de la conversation, ils se sont mis à parler des présidentielles. Autant les frasques supposées de leurs parents semblaient les réjouir franchement, autant les élections paraissaient les troubler. Les dernières interventions de Rocard et de Kouchner n'avaient manifestement pas contribué à clarifier leur choix. L'une d'entre eux aurait voulu s'en tirer par un vote blanc mais la non comptabilisation de cette forme d'expression la dissuadait d'y recourir. Pour elle, le vote blanc, s'il était pris en compte,  aurait une telle ampleur qu'il obligerait à « reprendre tout à zéro ».
Contrairement à ce que ne cessent de nous dire les commentateurs, « la peur d'un nouveau 21 avril » ne va sans doute pas pousser massivement au « vote utile. Les deux premiers candidats, quels qu'ils soient, ne font d'ailleurs pas plus de 50 % des intentions de vote.
Il serait donc judicieux d'arrêter de dire que l'élection présidentielle est la rencontre d'un  homme (d'une femme) et de la Nation. Il n'y aura pas de sacre populaire… et c'est très bien ainsi. Nous allons peut-être enfin cesser de croire à toutes ces chimères très peu démocratiques : l'onction du suffrage universel, l'état de grâce qui s'en suit,…

Au moment où les citoyens se mettent à refuser d'apporter massivement leur soutien à un homme ou une femme providentiel-le, le monde associatif se focalise au contraire sur l'échéance présidentielle. J'ai été frappé cette année du nombre d'interpellations émanant de la société civile à l'égard des candidats. On n'a cessé de leur demander de signer des pactes, des engagements sur les sujets les plus variés. Beaucoup se sont réjouit de cette capacité de prise de parole des acteurs sociaux dans l'espace public. Si on regarde d'un peu plus près, il me semble que ce n'est pas si réjouissant. Bien sûr les associations interviennent sur un registre critique à l'égard du politique, mais en misant à ce point sur l'élection présidentielle pour provoquer des changements, on renforce paradoxalement la permanence d'un système où les décisions ne peuvent venir que d'en haut. Finalement rien dans le débat n'est venu contrebalancer l'hypertrophie de l' « ego praesidentialis ». Le recours à la démocratie participative et aux panels de citoyens n'a servi qu'à exprimer les « attentes des Français ». Leurs capacités à agir, tout le monde s'en fout !
Comment sortir de ce culte à l'omnipotence qui conduit inéluctablement à l'impuissance des politiques ?

Même si, aux Ateliers de la Citoyenneté, nous n'avons pas la fibre pétitionnaire, certains se sont étonnés que nous ne nous penchions pas davantage sur l'échéance électorale, pour aider au discernement face aux choix à faire. Et si nous prenions une autre option, en préparant dès maintenant l'APRES-élections ? Au moment où chacun s'assoupira dans le sentiment du devoir électoral accompli, il sera temps d'engager un dialogue constructif avec les nouveaux pouvoirs en place pour tenter de mettre en place les démarches d'empowerment que nous promouvons. Nous pourrions ainsi, sur plusieurs chantiers que nous avons ouverts, être force de proposition pour co-construire des politiques publiques avec les interlocuteurs qui auront été désignés par les urnes.

HCD
Besoin de cohérence

Pour ceux qui seraient encore perplexes à quelques jours du premier des quatre scrutins qui nous attendent, voici les éléments d'aide au discernement que proposait récemment Marc Ullmann, animateur du Club des Vigilants.

Comment juger de l'adéquation entre la fin et les moyens [concernant les propositions faites par les candidats] ? Chacun d'entre nous devra, en conscience, se faire une opinion. Pour ma part, je me suis forgé quelques éléments de jugement. Les voici :
Toute mesure qui n'obère pas l'avenir de nos enfants, qui débloque des situations précédemment bloquées, qui simplifie des règlements existants, qui facilite la vie des gens, mérite un préjugé favorable puisqu'elle enlève des obstacles sur la route menant a une société plus humaine.
Toute mesure qui répond à une situation particulière autrement que par l'édiction d'une loi générale, qui incite au lieu d'interdire, qui ne prétend pas être coulée dans le bronze de l'éternité, mérite un préjugé favorable puisqu'elle apporte du dynamisme au mouvement vers une société plus innovante.
Toute mesure qui raccourcit des circuits au lieu de les allonger, qui permet aux gens non seulement d'exercer des choix mais de s'impliquer dans leur réalisation, qui substitue l'engagement personnel à l'anonymat, mérite un préjugé favorable puisqu'elle nous rapproche d'une société plus humaine et plus innovante.
Toute mesure qui s'inscrit dans le cadre d'une solidarité planétaire, qui permet a la France et à
l'Europe d'atténuer les conflits, de corriger les excès d'une mondialisation mercantile, de mettre le développement économique au service du développement durable mérite un préjugé favorable puisqu'elle apporte un plus de fraternité et répond à l'idéal d'une société plus humaine et plus respectueuse de la nature.

Marc Ullmann

Documents joints (pdf) :

 

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