Le musée imaginaire de la citoyenneté entreprenante
Les Ateliers de la Citoyenneté réfléchissent et expérimentent un nouveau rapport à la politique.Hervé Chaygneaud-Dupuy est consultant indépendant au sein de Kasumi-Tei. Après des études à l’IEP Paris et à Sciences Com, 3e cycle formant aux métiers de la communication, il rejoint le conseil régional Rhône-Alpes en tant qu’adjoint du directeur de la communication. En 1991, il crée Maïeutique, puis Esprit public, agences conseil en communication institutionnelle. En 1998, il rejoint l’agence bourguignonne de communication Synergence comme directeur de projet et associé. Aujourd’hui, dans le cadre de Kasumi-Tei, il concentre son activité sur le soutien des institutions et des entreprises engagées dans des projets innovants. Il anime les Ateliers de la Citoyenneté.De nouvelles formes d’organisations politiques se développent aux USA en parvenant à réunir des aspects d’habitude considérés comme contradictoires.Elles offrent une logique d’implication flexible permettant de concilier individualisme et expression de sa citoyenneté ; elles ont un rapport à l’espace public offrant une combinaison d’échange sur Internet et de « retour au face-à-face » : elles sont gérées avec une alchimie étonnante de militantisme traditionnel et de culture du management.Le tout donne des modes d’action très en consonance avec la culture américaine. Les réseaux comme MoveOn sont impressionnants. Lors des dernières présidentielles, on a vu ces -méga- entreprises de quelques jours s’organiser, se déployer, battre à plein puis se contracter pour aller exploser ailleurs.Des moyens ultra-professionnels étaient mis en œuvre : ventes de tee shirt imprimés sur (tes motifs d’artistes contemporains bénévoles), réceptions payantes (et chères ) dans des cafés branchés, collecte de fond sur le Web… tout était bon pour la cause!Sur les mêmes prémices, ne peut-on inventer un modèle européen de nouveau rapport à la politique ? Si Internet a été parfaitement intégré par les mouvements sociaux européens. en revanche l’individualisme contemporain et les logiques entrepreneuriales sont bien souvent rejetées pour incompatibilité avec la citoyenneté.Volonté personnelleDepuis quatre ans, à Lyon et à paris, les Ateliers de la Citoyenneté explorent cette voie, rejetée par les puristes du militantisme. à une échelle encore modeste mais avec la certitude qu’il s’agit d’une voie d’avenir. Au départ, une impression que la politique n’est pas seulement affaire de textes et de budgets mais aussi (surtout ?) d’évolution de comportements. que nous ne sommes pas les victimes d’un système qu’il faudrait remplacer en bloc à l’occasion d’un mythique grand soir, mais que nous sommes tous, potentiellement, des agents d’une fermentation, d’une transformation du système actuel en y introduisant un germe extrêmement puissant : la volonté personnelle.La citoyenneté n’est alors plus seulement perçue comme un ensemble de droits politiques, mais se vit comme une capacité à prendre l’initiative dans la Cité. D’où le terme de « citoyenneté entreprenante ».En phase avec les nouvelles formes d’implication. la combinaison de rencontres physiques et d’Internet et la logique entrepreneuriale. nous en ajoutons une 4e. essentielle : la pratique du discernement collectif. L’usage du terme « Ateliers » an pluriel apparait de ce fait évident : pour entreprendre dans la Cité, il faut d’abord accepter de changer de regard, dans un travail patient de questionnement et d’écoute réciproque. pour ensuite élaborer des pratiques sociales nouvelles permettant de taire face aux dysfonctionnements constatés.Citoyen entreprenantNous nous distinguons de ce fait les « laboratoires », clubs ou partis, qui tentent de repenser globalement la politique. Sans nous enfermer dans les problèmes locaux, nous nous confrontons à des questions, vastes ou précises, lesquelles nous refusons le statu quo.Comment l’information télévisée peut-elle mieux aider à comprendre le monde au lieu d’enfermer dans un sentiment d’impuissance ? Comment éviter la divergence croissante entre l’entreprise et la société ? Peut-on imaginer un volontariat répondant aux capacité, d’engagement contemporaines ?Chemin faisant nous découvrons que notre réflexion collective est un formidable accélérateur de nos propres transformations personnelles. Penser la citoyenneté entreprenante nous amène à agir en citoyen entreprenant.Pour créer un mouvement irréversible, nous avons devant nous deux défis: l’essaimage d’Ateliers ou d’organisations de même type partout en Europe ; la création d’une fondation pour mener une veille solide et appuyer les initiatives émergentes.Si le modèle américain n’est pas à copier, reconnaissons lui la capacité à réunir les moyens, notamment financiers, nécessaires.Oui, il faut de l’argent pour réussir à transformer la politique. Ce n’est pas trivial et il serait normal qu’en Europe aussi se développe un mécénat politique, aux côtés des financements publics.Beau défiUne combinaison originale de fonds public et privés pourrait correspondre au modèle culturel européen. Les financements publics doivent s’inscrire dans un cadre clair Pour ne pas être suspects de connivence entre amis politiques. Si l’idée de formation tout au long de la vie a un sens. alors le passage dans des lieux où l’on apprend à développer ses capacités d’entrepreneuriat civique doit être financé sur les fonds de la formation. Un bon moyen d’actualiser la vieille « promotion sociale et professionnelle ».Le conseil régional Rhône-Alpes a su aller dans ce sens avec nous. Quant air mécénat. il ne doit plus se limiter à la culture et à l’humanitaire: la citoyenneté entreprenante est un beau défi où tout est encore à inventer.Rêvons du jour où des mécènes vendront un tableau de leur collection pour financer des lieux de prise d’initiative citoyenne. Quel beau musée imaginaire on pourrait concevoir à partir du souvenir des œuvres vendues et de leur transmutation cri projets pour la Cité!Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY