Cinq ans, une étape s'achève pour les Ateliers, le scénario des cinq ans qui suivent s'écrit maintenant et chacun peut y contribuer ; pendant les travaux, la vie continue : vous lirez deux papiers sur la méthode de gouvernement ; l'un, écrit par Françoise Le Corre, rédactrice en chef de la revue ETVDES, porte sur l'hyper-présidence, le second est un point de vue sur le Grenelle de l'environnement.Pour les Lyonnais, n'oubliez pas le Café médias avec Albert Du Roy lundi 19 novembre et notre nouveau rendez-vous, le Café métier, mercredi 21.
vie des Ateliers : 2008, l'épisode 2 ?
Un nouvel épisode de la vie des Ateliers s'ouvre pour de nombreuses raisons en cette fin d'année : départ de Pascale Puéchavy fin décembre de sa fonction de gestion et d'animation (elle redevient membre active !) ; fin des financements publics sur lesquels nous avons construit nos premiers développements ; recherche de nouveaux partenaires… Symboliquement (et pratiquement !) cela se traduit déjà par notre nouvelle adresse : nous avons en effet déménagé, de façon un peu précipitée le week-end dernier, pour nous installer dans la maison qu'occupe Réseau Santé en haut des pentes de la Croix-Rousse, 40 rue de Crimée. Nous avons en projet, avec Réseau Santé et d'autres associations, de faire de cette maison qui dispose d'un jardin et d'une belle surface (au moins 400 m2), une Maison des initiatives citoyennes.
Retour sur l'épisode 1, 2002-2007
Quelques éléments de mise en perspective avant de voir comment écrire cette nouvelle page. En cinq ans les Ateliers ont progressivement trouvé une place originale dans le paysage associatif, à la fois comme lieu de discernement collectif et d'apprentissage mutuel sur les questions de citoyenneté et comme lieu de dynamisation de l'initiative citoyenne grâce à des rencontres inédites entre acteurs civiques et à l'amorce d'une fonction d'incubation spécifique. La période 2002-2007 a constitué une période d'expérimentation au cours de laquelle les AdC ont mis au point des démarches et des méthodes d'animation adaptées à une activation de la citoyenneté en phase avec la culture individualiste de notre époque. Nous ne partons pas d'un collectif préétabli auquel il s'agirait d'adhérer mais d'individus qui découvrent la force de l'intelligence collective et le bonheur de se relier.Ce qui n'était que des intuitions il y a cinq ans, est devenu un véritable savoir-faire, une forme d'empowerment à la française. Nous voulons engager un plan de développement pour la période 2008-2012 qui capitalise sur les acquis de notre première expérience et démultiplier ainsi notre capacité à accompagner le déploiement des envies d'agir au service du bien commun. Jusqu'ici ce travail a été possible principalement grâce à deux financements publics, celui de la Région Rhône-Alpes pour les ateliers de discernement, celui du Grand Lyon pour les Initiales. Ces deux financements ont accompagné le développement des Ateliers de 2003 à 2007. Ils s'achèvent, l'un et l'autre, fin 2007. Pour 2008, Les Ateliers ne disposent à ce jour d'aucun financement public. Une recherche de financement privé, via les fondations, a été engagé dès le printemps 2007. L'absence de fondation intervenant sur l'amont de l'initiative citoyenne, de façon généraliste et sans public spécifique, nous a conduit à proposer à des chefs d'entreprise de s'engager dans cette voie. Avec l'appui de Bruno Lacroix, président du CESR, nous avons constitué un groupe de travail qui a élaboré un projet de fondation d'entreprises collectif devant réunir une vingtaine de PME. Le projet devrait déboucher au premier semestre 2008, d'ores et déjà six PME ont donné leur accord de principe pour y participer. La Fondation d'entreprises devrait permettre le financement de l'incubateur d'initiatives citoyennes et contribuer à la promotion d'ateliers de discernement pour les collaborateurs des entreprises partenaires.Nous souhaitons obtenir l'appui de la collectivité pour cofinancer le projet global des AdC sur une période de 5 ans dans la logique d'appui à l'innovation dans le monde associatif.
Démarche proposée pour écrire l'épisode 2
Compte tenu de l'importance des choix à faire et de l'ampleur des actions à mettre en place, il me semble nécessaire de prendre le temps de l'élaboration collective. Six mois s'étaient écoulés entre la rencontre fondatrice « Aux actes, citoyens ! » de décembre 2001 et la création des Ateliers de la Citoyenneté en juin 2002. Prenons six mois de réflexion pour être prêts lorsque les choix de nos partenaires potentiels se feront (création de la Fondation, élections territoriales, décision sur la maison de la rue de Crimée). Nous avons vécu un premier épisode de la vie des Ateliers, nous avons à écrire le scénario de « l'épisode 2 » avec de nouveaux personnages (les entreprises, la Ville de Lyon, les associations), un nouveau décor (la maison des initiatives citoyennes), un nouveau contexte politique et économique (hyper-présidence, renouvellement des équipes municipales, suites du Grenelle de l'environnement,…) A l'issue de la dernière plénière, en septembre, plusieurs personnes, des membres du CA depuis l'origine comme des nouveaux(elles) venu(e)s, ont fait part de leur envie de participer à l'aventure. Ce premier groupe est bien sûr ouvert à toute nouvelle arrivée. N'hésitez pas à prendre contact, il y aura de la place pour toutes les énergies ! HCD
Hyperactivité présidentielle et intelligence collective
Ce texte est extrait de l'éditorial de Françoise Le Corre de la revue ETVDES que vous pouvez retrouver dans son intégralité sur le site de la revue.
(…) L'omniprésence de Nicolas Sarkozy, qui consacre sa propre personne comme providentielle, s'adresse aussi bien aux malheurs individuels qu'aux plus grandes négociations internationales. C'est plus qu'un nouveau style : c'est une confusion des rôles et des genres, une intrusion du compassionnel qui ne sert pas nécessairement l'efficacité, et qui conforte l'individualisme au sein de démocraties qui en sont déjà suroccupées. N'est-ce pas aller vers une autre forme d'endormissement démocratique ? (…)
Une somme d'activités, si considérable soit-elle, ne fait pas une volonté politique, qui doit être soutenue dans le temps, partagée, comprise, attentive aux débats contradictoires. Le grand risque de l'activisme, c'est qu'il s'enivre de lui-même. Comme toute entreprise humaine, en effet, l'hyperactivité cherche sa légitimité, qu'elle trouve dans une idéologie plus ou moins consciente, plus ou moins avouée. Cette idéologie du « tout action » tend à reléguer la pensée, les instances de réflexion et de concertation, les élaborations de l'avenir, comme autant d'inutilités. Assez pensé, mettons-nous au travail. Comme si pensée et action étaient destinées à s'exclure l'une l'autre. Dans une lettre adressée au Monde2, Lawrence D. Kitzman, professeur de français aux Etats-Unis, relevait, pour s'en indigner, cette phrase de Christine Lagarde, ministre des Finances, devant l'Assemblée Nationale : « La France est un pays qui pense. Il n'y a guère une idéologie dont nous n'avons fait la théorie. Nous possédons dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C'est pourquoi j'aimerais vous dire : assez pensé maintenant, retroussons nos manches. »Quelle efficacité attendre d'un projet d'action qui ne soit étayé par une recherche de sens, une constante réflexion sur la justice, l'équité sociale, sur le possible et le souhaitable, une pensée qui tente de voir au delà des masques, qui repense les instances de pouvoir et celles de représentation des citoyens, qui déjoue les pièges, signale les impasses, tienne ouvertes les perspectives de générosité, mette chacun devant ses responsabilités ? Il est des paralysies de l'intelligence qui sont plus néfastes encore que celles qui touchent à l'action. Au vrai, chaque fois que l'on tentera d'exclure l'une par l'autre, la pensée au profit de l'action, ou l'inverse, sans voir comment elles doivent instaurer une tension réelle mais féconde, on ira vers de bien grandes difficultés. (…) Penser la société est et restera un travail collectif, sans lequel aucun président, si vigoureux soit-il, ne pourra entraîner les réformes qu'il souhaite.
Ce que Nicolas Sarkozy doit conduire, c'est une réelle rénovation de la pratique démocratique. Y parviendra-t-il ? C'est maintenant que commence véritablement son histoire avec la démocratie, c'est maintenant que l'on va pouvoir évaluer si une authentique pensée et volonté politique sous-tend l'hyperactivité « bluffante » qui se donne à voir. (…) Au détour d'une phrase rapportée par Yasmina Reza dans L'aube le soir ou la nuit, le Président fraîchement élu confie : « Gagner, c'est plaire ; mon métier, c'est décider. » Sans doute. Mais il n'est pas le seul à exercer ce « métier » ; il y a des décideurs à tous les échelons, à commencer par les ministres, sans parler de tous les secteurs d'activité de la société civile. Et les décideurs en démocratie doivent, pour réussir, s'appuyer sur la créativité collective, convaincre, obtenir une adhésion, faire prendre conscience à chaque citoyen de sa responsabilité dans l'évolution de la société. Les réformes indispensables passeront par l'acceptation d'inconvénients individuels. Il faudra alors jouer avec le temps ; concilier les urgences et les maturations lentes ; entraîner tout un pays dans la conviction d'un destin solidaire… La tâche est immense. Elle est l'affaire de tous. Elle suppose en permanence un engagement égal dans la pensée et dans l'action.FRANÇOISE LE CORRE – ETVDES, octobre 2007
la méthode Grenelle : essai d'évaluation
Quand la société civile travaille directement avec les politiques, un adepte du « volontarisme modeste » a de quoi se réjouir… a priori. Il y a en effet des avancées certaines mais deux pas n'ont pas été franchis qui conditionnent, pour moi, une réelle transformation de l'action publique. Les avancées ont largement été commentées, je ne fais que les rappeler : – un travail en amont sur plusieurs mois, largement ouvert au « bricolage » méthodologique (pour moi c'est positif !). On a su construire en marchant sans s'enfermer dans des cadres trop contraignants. Certains y ont vu du flou, j'y vois plutôt une capacité à s'adapter aux attentes nées du débat en cours.– l'apparition d'un « club des cinq » comprenant outre l'Etat, le patronat et les syndicats, deux groupes d'interlocuteurs encore jamais invités à ce type de rencontre : les associations et les territoires. Une bonne occasion de sortir des rapports extrêmement codés (pour ne pas dire plus, cf. l'actualité de l'UIMM) des partenaires sociaux avec les pouvoirs publics. Les limites de la démarche au regard de la logique d'empowerment dont nous sommes porteurs aux Ateliers de la Citoyenneté sont manifestes… et pourtant bien peu signalées. La première tient au type de mesures annoncées et au choix de l'outil législatif pour les concrétiser. Même en travaillant avec des acteurs de la société civile, l'Etat ne parvient pas à élargir de façon significative sa palette d'intervention. Il en reste pour l'essentiel à la réglementation et à la dépense publique : nouvelles normes pour la construction de logements, taxe carbone, obligation d'affichage du prix écologique, développement des liaisons TGV,… Il faut aller dans le détail des relevés de conclusion, non médiatisés, pour voir des avancées impliquant plus directement les acteurs sociaux : plan de création d'éco-quartiers, programme d'éco-conduite inspiré d'une initiative de La Poste. La façon dont on parle du développement de « l'économie de fonctionnalité » (l'accès au service offrant une alternative à la possession, coûteuse en ressources : auto-partage plutôt que voiture individuelle par exemple) est également significative. Ce point n'apparaît qu'extrêmement timidement, en toute fin de document, comme un programme de recherche « pour étudier l'expérimentation » ! C'est portant un des domaines les plus porteurs de créativité partagée puisqu'il s'agit d'inventer des services nouveaux de l'échelle micro jusqu'aux offres industrielles comme celle de Velo'v à Lyon ou Velib à Paris. Encore une fois la mise en œuvre est laissée à la loi, qui n'est pourtant pas le meilleur instrument de mobilisation sociétale. Je l'ai souvent écrit ici : il est indispensable que l'Etat mette sur le même plan DEUX modes d'action : la loi pour changer les règles du jeu, le programme d'action pour faciliter l'initiative de tous les acteurs. Plus fondamental encore, le Grenelle souffre d'une cataloguite sévère. La question de l'environnement a en effet été découpée et redécoupée : d'abord en 6 groupes de travail puis en 4 tables rondes conduisant à 8 programmes comprenant chacun une bonne quinzaine ou vingtaine de mesures. Bien sûr cela crée des problèmes de cohérence, de lisibilité mais plus profondément ça détourne des questions globales qu'on ne prend donc jamais le temps de traiter. Le politique ne sait plus qu'apporter des batteries de réponses là où il faudrait avant tout se coltiner à quelques questions « simples ». Par exemple, que voulons-nous : maintenir notre mode de vie actuel quitte à réduire, un peu, notre impact sur l'environnement en espérant que la technologie viendra à la rescousse ou bien construire une nouvelle conception du bonheur, moins centré sur la possession individuelle que sur l'accès à des ressources partagées. Faute de vision partagée sur le type d'avenir à construire, on s'empêtre dans des contradictions sans nom, comme avec la simultanéité du rapport sur la croissance d'Attali et les conclusions du Grenelle. La croissance, quelle croissance, mesurée comment ? Il me semble que sur ces questions, des philosophes et des citoyens ont autant à dire (plus ?) que les « corps intermédiaires » qui finissent par adopter la même technicité que celle de l'Etat, oubliant en route les « questions simples ».
HCD
Documents joints (pdf) :
- Lettre d'info n°51 (novembre 2007)
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