Société des gens
Cinéma. Deux versions du mouvement anti-entreprise.
Michael Clayton (2007) de Tony Gilroy vs. Erin Bokovich (1999) de Steven Soderberg.
Deux films qui portent le nom de leur héros. Deux films qui tirent à boulet rouge sur de méchantes entreprises. Mais qui expriment le « mainstream » différent de deux époques.
Erin Bokovich (incarnée par Julia Roberts) est une jeune militante écologiste qui finit par gagner en 1993 son combat contre une entreprise qui empoisonne une ville par de l’eau contaminée. Elle est une militante qui appartient à un camp ; elle est le porte drapeau d’une idéologie collective tout en étant très personnelle et individualiste ; elle est comme entre deux époques, celle des idéologies de masses et celle des personnes.
Michael Clayton (incarné par George Clooney) a pour fonction, au sein d’un grand cabinet d’avocats new-yorkais, d’arranger les affaires embarrassantes de ses gros clients. Mais, en charge du dossier douteux d’une puissante firme agro-chimique, il s’interroge, hésite. Il comprend que des vies sont en jeu et finalement, au péril de sa propre vie, fait éclater le scandale au lieu de l’étouffer. C’est un homme ordinaire qui est une vraie personne autonome, qui pense par lui-même, hésite et que son cœur (et non pas une idéologie) finit par décider.
Mouvements de protestation en Egypte.
Le Center for Political and strategic studies signale la multiplication des actions de protestation spontanée de mouvements non politiques. Elles seraient passées de 222 l’année dernière à près de 400 depuis le début de cette année. D’après le Centre, les récentes réformes constitutionnelles auraient écarté de la scène politique institutionnelle tous les mouvements ayant un contact significatif avec le public. D’où de nouvelles formes de protestation qui émanent de la société civile.
Des enfants autonomes et conscients de leur état et de leur parcours.
D’après un pédiatre rencontré par IDC, les enfants de 5 à 7 ans seraient de plus en plus capables d’exprimer clairement leurs souffrances et leurs malaises et de préciser leur cheminement. Plusieurs participants confirment avoir été frappés par la précocité de cette conscience de soi.
Innovations sociales
Une armée socio-politique.
Les Etats Unis et plusieurs pays d’Europe repensent leur armée. L’incapacité de l’armée la plus technologique qu’on ait jamais imaginée à gagner la guerre en Afghanistan et en Irak incite des états-majors à concevoir une armée qui saurait contribuer à maintenir ou à construire une société viable. Ce sera une armée sachant faire système avec le terrain sociétal au sein duquel elle opère. Une armée se tenant informée des finesses du terrain sociologique, de ses dynamiques et de ses changements et s’y adaptant. Cette armée sera une organisation apprenante, c’est-à-dire une organisation sachant tirer les enseignements de ses succès et de ses échecs et comprenant de mieux en mieux comment fonctionne la réalité. Ses soldats seront socio-perceptifs et entraînés à agir de façon catalytique plutôt que systématiquement brutale.
Un nouveau type d’école d’entrepreneurs.
Team Academy est issu du département management de l’Ecole Polytechnique de l’Université de Jyvaskyla en Finlande. Le succès de cette innovation finlandaise extrêmement audacieuse et précoce devient éclatant et fait tache d’huile en Europe. Team Academy est une université sans étudiants, sans professeurs et sans cours… Les élèves sont de jeunes entrepreneurs (ayant déposé les statuts de leur micro-entreprise). Ils ne sont pas enseignés mais ils apprennent par eux-mêmes à travers leurs lectures et l’expérimentation de la vraie vie de l’entreprise. Les professeurs sont des « coachs » qui les accompagnent dans leur démarche entrepreneuriale. Les cours sont remplacés par des réunions informelles où le coach guide les jeunes entrepreneurs sur le chemin du marketing, des finances, des relations humaines ou du droit à la lumière de ce qu’ils ont lu et vécu. L’ensemble fonctionne comme un système vivant qui s’autorégule.
Ce signal est à rapprocher d’autres signaux qui attirent l’attention sur des innovations sociologiques pilotées telles les réseaux sociaux du web, Google, Wikipedia, etc. et telles que Vélib, Gramen-Danone.
Les entreprises, les organisations
Une stratégie sociologique.
Une très grande entreprise alimentaire, Danone, invente une stratégie sociologique qui répond à une compréhension fine des latences d’un champ sociétal nouveau.
Le champ sociétal est le Bangladesh, un des pays les plus pauvres et les plus denses du monde où s’entassent 150 millions d’habitants et où la malnutrition est une des causes de la forte mortalité infantile. Un pays aussi où le travail est rare.
Danone a trouvé à s’y implanter d’une façon mutuellement bénéfique en créant une filiale commune avec Gramen, la société de Mohamad Yunus, l’inventeur du micro-crédit, prix Nobel de la paix. L’ambition de l’entreprise est de produire un yaourt extrêmement bon marché, dont la composition compense des carences alimentaires locales. La production et la distribution porte à porte fournissent du travail aux populations locales et notamment aux femmes. L’objectif n’est pas de maximiser le profit mais d’agir dans l’intérêt de la population sans faire de pertes et, si possible, en générant suffisamment de profits pour permettre un réinvestissement dans de nouvelles usines.
Par ailleurs, Danone semble faire l’hypothèse que la santé et la lutte contre l’obésité constituent dorénavant une dimension importante de l’alimentation. L’entreprise se donne du sens et une nouvelle capacité d’attraction non seulement en orientant dans une direction presque médico-pharmaceutique sa politique de nouveaux produits mais en se séparant de son secteur biscuiterie.
Des femmes au pouvoir. Les signaux s’accumulent.
Le plafond de verre se brise-t-il ? Newsweek du 22/10 titre sur « Women and Power » et affiche sur sa couverture une photo d’Anne Lauvergeon, CEO d’Areva. Le journal s’interroge : les femmes dirigent-elles différemment ?
Katy Koop remplace Gauthier Sauvagnac comme négociateur en chef du patronat qui se trouve être présidé par une femme, Laurence Parisot.
Le New York Times, supplément du Monde du 10/11 titre « Shifting the Balance of Power ». Il évoque Hillary Clinton (différentes règles du jeu si une femme est dans la compétition ?), Cristina Kirchner (Argentine), Michelle Bachelet (Chili), Portia-Simpson Miller (Ier Min. de Jamaïque), etc.
Un compromis historique avec les syndicats ?
Telle qu’elle apparaît le 15 novembre, la situation dans les transports est incertaine. Le processus hésite entre prolongation et durcissement du conflit et sortie de crise honorable pour tout le monde. Dans le second cas ce sera un signe supplémentaire que la France peut se dégager du penchant conflictuel qui paralyse sa capacité d’innovation.
Plusieurs éléments balisent la piste de la négociation créative :
– La posture de Sarkozy est très différente de celle de Jupé en 95. Jupé était chef de gouvernement « droit dans ses bottes » et convaincu qu’il était le plus intelligent. Sarkozy se présente comme dépositaire de la volonté populaire (exprimée démocratiquement par son élection récente et confirmée par les sondages), de ce fait absolument déterminé mais ouvert à la négociation sur les modalités.
– Les confédérations syndicales, François Chérèque (CFDT) et Bernard Thibault (CGT) en tête, optent pour l’arrêt de la grève et acceptent la proposition du Gouvernement d’entamer des négociations tripartites au niveau des entreprises.
– Les réactions du public sont défavorables aux grévistes et les leaders syndicaux le sentent. En cas de grèves paralysantes on avait pris l’habitude de voir une courte majorité de l’opinion exprimer dans les sondages sa sympathie à l’égard des grévistes. La défense des petites gens et des libertés l’emportait. La césure G/D était encore dominante. Une nouvelle césure semble s’installer qui pourrait avoir trois composantes : 1) conserver l’ancien régime versus inventer une nouvelle donne ; 2) désordre versus ordre et 3) jeux gagnant/perdant versus jeux gagnant/gagnant.
Mais les grévistes de base ont du mal à suivre leurs leaders. Ils restent dans la culture de la conflictualité.
Documents joints (pdf) :
- signaux faibles du 13 novembre 2007 (CR Alain de Vulpian)
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