Une lettre qui allie comme on aime le faire, une initiative mise en perspective par Guy Emerard (pomper la mer!) et une anecdote interpellante proposée par Pascale Puechavy (la gestion de l’accueil dans une grande entreprise).
Et
Me demandant que souhaiter à chacun-e de vous en évitant les sempiternelles formules creuses et les artifices faciles trouvés via Internet, j’ai eu très vite l’envie de vous souhaiter des Et. Oui, une profusion de Et pour 2008. Voilà me semble-t-il le voeu le plus sincère que je puisse formuler.
C’est Dominique Fauconnier qui le premier je crois m’avait amené à réfléchir sur cette modeste conjonction de coordination, moi qui me laissais si souvent séduire par le bonheur polémique de son frère ennemi, le Ou. Avec le OU je somme de choisir, avec le ET je tente de créer des alliances improbables. Ceux qui lisent cette lettre depuis longtemps savent mon goût pour les oxymores, au premier rang desquels je place le volontarisme modeste.
Je nous souhaite donc une année d’alliance des contraires, tout simplement pour rendre nos vies vivables : de la légèreté et de la gravité, du retour sur soi et du partage, et toutes les autres conjonctions que vous jugerez bon de faire !
Hervé Chaygneaud-Dupuy
Pompons la mer !
« A quelque chose, malheur est bon ! » Ce devrait être la devise des « politiques » et donc des citoyens. Plutôt que de se lamenter, il faut savoir tirer de nos erreurs, les conséquences utiles. Ainsi de la malencontreuse politique américaine au Moyen-Orient. En mettant la main sur les réserves irakiennes, elle avait pour but d’assurer durablement les étasuniens d’un approvisionnement pétrolier à bas prix. C’est l’inverse qui s’est passé. Ce « bon malheur » accélère la prise de conscience de la gabegie énergétique et de la gravité du dérèglement climatique. Merci donc à M. Bush de s’être trompé et bravo à M. Al Gore (bien qu’il n’ait rien fait quand il était en position pour agir). Et surtout « Vive la démocratie » qui semble inciter les peuples à ne pas persévérer dans l’erreur.
C’est du moins ce que l’on pourrait espérer bien que ce soit loin d’être gagné comme le prouve le récent « sommet » de Bali. D’où l’importance du nécessaire « empouvoirement » de chacun pour changer de comportement. L’idéal serait de n’utiliser que les énergies renouvelables. Et en attendant, de généraliser la limitation du « droit à polluer » à toutes les entreprises et tous les particuliers. Pour eux, il faudrait limiter la consommation individuelle d’énergie fossile à une demi TEP par an. Mais, même en étant optimiste, il faudra bien compter au moins une génération pour en arriver là. Ente temps, l’effet de serre et le réchauffement planétaire vont se poursuivre. Alors que faire en attendant ?
Tout se passe comme si la planète était en surrégime : nous brûlons nos réserves en 100 000 fois moins de temps qu’il lui en a fallu pour les constituer. La Terre est comme un travailleur de force qui n’aurait pas le droit de s’arrêter, il transpire pour se rafraîchir mais par là même, entretient son « surrégime ». Pour ne pas mourir d’épuisement, faute de pouvoir s’arrêter, il faudrait au moins qu’il se rafraîchisse. Un peu comme les coureurs du Tour de France qui s’arrosent avec leurs bidons.
C’est ainsi que l’on peut caractériser la proposition faite par deux très éminents chercheurs britanniques: James LOVELOCK et Chris RAPLEY (retenons bien leurs noms, ce sont peut-être les sauveurs de l’humanité). Leur idée est d’augmenter considérablement l’absorption du CO2 en utilisant les algues et le plancton. Pour ce faire, pas d’énergies nouvelles qui à leur tour augmenteraient les émissions de gaz carbonique. Il s’agirait d’installer dans les mers des milliers voire des millions de tubes géants (10 m de diamètre et 100 à 200 m de longs) qui, agités par la houle et munis de clapets, feraient remonter en surface l’eau des couches profondes, plus froide et plus riche en nutriments. Ainsi pourraient être multipliées les capacités de recyclage du dioxyde de carbone. « 500 gigatonnes ! » voilà l’enjeu. Des chiffres énormes qui ne parlent pas mais il semble logique de suivre ces chercheurs quand ils proposent de mobiliser tout le système terrestre pour être à l’échelle du problème.
Est-ce que cette idée va se traduire rapidement dans les faits ? Peut-être ; en tous cas des tests sont déjà en cours. Mais l’erreur serait de croire que l’on tient enfin La solution. Chacun serait alors tenté de persévérer dans l’abus des énergies non renouvelables. L’objectif à ne pas perdre de vue, c’est le « tout renouvelable », ce qui est possible avec le « solaire ». Il faudrait donc améliorer le captage des énergies renouvelables, les répartir équitablement entre tous les hommes et administrer leur bonne utilisation. Ce qui veut dire que même si la salvatrice découverte de Lovelock et Rapley est de joyeusement « pomper la mer », il faudra veiller à ce que la question énergétique reste politique, universelle et citoyenne.
Guy Emerard
De la civilité chez les opérateurs de téléphonie
Elles sont juste derrière moi dans la file d’attente. L’une se tient debout en s’aidant de sa canne, l’autre regarde autour d’elle ce qui pourrait lui servir d’appui. Nous sommes devant un comptoir d’une boutique Orange. Moi j’attends le retour d’un jeune garçon parti se renseigner sur le cas difficile que je viens de lui soumettre (la remise d’un appareil téléphonique loué à France Télécom ! ).
Une employée se glisse derrière le comptoir, la dame avec la canne lui dit que son téléphone portable ne marche pas, elle le sort de son sac tout en s’accrochant à sa canne. L’employée lui répond forfait dépassé, carte à recharger en attendant la prochaine échéance. La dame s’inquiète. L’employée s’agace, reprend l’explication, puis se dirige vers un des pupitres disposé dans l’espace de la boutique en demandant à la dame de la suivre. La vieille dame s’exécute, elle monte les 3 marches à l’aide de sa canne en disant avec douceur : « Vous savez, je suis une ancienne de France Télécom, ça a bien changé depuis que je suis à la retraite ». Elle se retrouve debout, appuyée à sa canne, à côté de l’employée assise d’une fesse sur un haut tabouret, à la hauteur du pupitre.
J’entends l’autre vieille dame, derrière moi, demander à l’employée si elle peut aussi profiter de l’explication parce qu’elle a le même problème. « Non, il faut que vous retourniez dans la file d’attente et prendre votre tour ». La dame me regarde et dit « Je ne peux pas rester plus longtemps debout, j’ai 82 ans, je vais repartir ». Je parcours la boutique où sont disposés 4 à 5 de ces pupitres hauts, les employés assis sur les tabourets et les clients debout, et je finis par dénicher une chaise pliante adossée à un pilier. Je n’y tiens plus : « Dans le bus nous proposons notre place assise aux personnes âgées, cette règle élémentaire de civilité ne s’applique donc pas dans votre boutique ? ». La gêne est palpable, les employés comme les clients n’osent pas me regarder, arrive la responsable qui tente maladroitement de défendre le service proposé dans son agence. C’est pire, dit-elle, chez la concurrence. Nous en venons à discuter des conditions de travail qui ne permettent pas au personnel d’accorder aux clients le temps et l’attention qu’il souhaiterait. Puis elle me décrit avec une gentillesse amusée les rythmes de sa clientèle âgée, les vieux messieurs le matin sur le trottoir, ¼ d’heure avant l‘ouverture de la boutique, et les vieilles dames l’après-midi, « à partir de 15h, après la sieste ou après les feux de l’amour ». Elle ajoute qu’elle enfreint les consignes en laissant une chaise à disposition dans le magasin. On se dit alors que chacun de nous, salarié ou client, sommes soumis à une forme de maltraitance quand nous ne pouvons donner ou recevoir les gestes simples et essentiels de la civilité.
Le jeune garçon revient, ravi de m’annoncer qu’il a trouvé la solution au problème : je peux lui laisser le poste téléphonique, il le fera suivre à l’agence concernée, bien que ce ne soit pas prévu dans la procédure. En nous saluant, la responsable et moi, nous nous disons que plutôt que de s’aligner sur la concurrence, Orange pourrait s’en distinguer en misant sur des nouvelles technologies associées à un service de haute qualité.
Pascale Puéchavy
Documents joints (pdf) :
- Lettre d'info n°52 - Janvier 2008 (PDF (100 KB))
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