10 avril 2008
C’est le printemps ! et forcément ça bourgeonne ! donc beaucoup d’infos sur la vie des Ateliers, dont un « communiqué de presse » que nous envoyons pour commencer à nouer des relations avec les journalistes. Guy Emerard poursuit sa réflexion sur l’impact environnemental des activités humaines avec un papier sur la notion d’anthropocène mise en avant par un groupe de chercheurs du GIEC. Et puis, face à la reprise du débat sur l’euthanasie, retour sur ce que j’écrivais à propos de l’affaire Humbert. Enfin Pascale Puéchavy nous invite à la lecture avec deux revues qui rencontrent un (étonnant ?) succès.
Ceci n’est pas un communiqué !
Voici le texte rédigé par Laurence Gauthier pour engager le dialogue avec la presse. Les membres du comité d’orientation ont souhaité qu’il soit largement diffusé, au-delà de la presse car il diyt bien où nous en sommes.
Il y a une vie du citoyen après le vote !
Les Ateliers de la Citoyenneté, association fondée à Lyon en 2002, fonctionnent sur une envie partagée : celle de développer la capacité de chacun à prendre l’initiative dans la cité.
Nous avons tous des envies d’agir, mais elles restent souvent sans suite, faute de pouvoir les poser, les approfondir, les porter, et finalement les mettre en œuvre.
Aux actes, Citoyens !
Voilà ce que permettent les Ateliers de la Citoyenneté, qui ont mobilisé aujourd’hui plus de 500 personnes depuis leur création, et qui essaiment sur Paris, Grenoble, Dijon, à la ville et aussi à la campagne : des lieux de rencontres et de discernement, sur deux heures ou sur un an, où tout citoyen peut exprimer ses idées, appréhender des pratiques par des partages d’expérience, et les mettre en œuvre là où il vit. Ce mode d’apprentissage mutuel de la participation à la vie publique trouve un écho auprès de tous ceux qui pensent que notre vocation de citoyen ne s’arrête pas au vote, sans pour autant souhaiter adhérer à un parti.
Depuis 2002, une quinzaine d’ateliers de discernement ont été conduits sur la durée (de 1 à 3 ans), près d’une cinquantaine de rencontres ont été organisées sur une multitude de thèmes, 8 « envies d’agir » ont été accompagnées en 2007. Elles ont concerné des thématiques variées : l’accès à la culture, l’éducation, le rapport citoyens/élus, les échanges entre européens, l’habitat, l’intergénérationnel, la connaissance des métiers, la lutte contre les incivilités.
En 2008, les Ateliers de la Citoyenneté s’organisent pour lancer de nouveaux projets :
– La création à Lyon d’une maison des innovations citoyennes, en partenariat avec d’autres associations et avec l’appui des collectivités locales.
– De nouvelles collaborations avec les entreprises, directement ou en lien avec des fondations d’entreprises soutenant l’émergence d’une citoyenneté entreprenante.
– Une nouvelle rencontre mensuelle, les SAMEDI MATIN des ATELIERS, permettra de découvrir les Ateliers, de partager les actualités de chacun des participants et de découvrir le plus concrètement possible une pratique (atelier d’écriture ou d’argumentation, modalités d’implication des citoyens dans un autre pays,…).
Les rencontres régulières se poursuivent, notamment à Lyon :
Les Cafés MEDIAS : un espace d’échanges entre journalistes et non-journalistes sur le traitement de l’information
Les Cafés METIER : une occasion nouvelle de partager nos expériences et les questions que nous nous posons sur nos métiers
La Bourse des envies d’agir : une bourse d’échanges entre citoyens et associations pour créer des opportunités renouvelées d’engagement au service du bien commun
A Paris, les rencontre « signaux faibles » (voir ci-dessous le petit dictionnaire !)
Nous éditons également une lettre mensuelle qui rassemble des éclairages sur notre actualité, sans oublier notre site internet sur lequel on peut retrouver toutes nos « productions ».
Le petit dictionnaire des Ateliers :
Citoyenneté entreprenante : « Aux actes citoyens ! ». Tout est parti de cette apostrophe, de la conviction qu’il est possible et nécessaire de réagir à la dépossession de soi et de son avenir. Entre le entre le « je n’y peux rien » et le « y’a qu’à… », on vient chercher là des approches permettant aux citoyens de devenir acteur. Les Ateliers ont pour objectif d’expérimenter de nouvelles façons d’être citoyens, d’initier le changement avec un côté déstabilisant et novateur. Un changement pour soi et ensuite pour son environnement.
Apprentissage mutuel : la citoyenneté est avant tout, pour nous, une pratique à laquelle on doit pouvoir s’exercer à tout âge de la vie. L’éducation à la citoyenneté est encore trop vue comme une instruction civique destinée aux jeunes. Nous privilégions un apprentissage entre pairs, nourri de l’expérience multiple des participants.
Ateliers de discernement : ce sont des groupes de réflexion. Un « Atelier » se caractérise par son thème : « Ruralité et citoyenneté », « Métiers et citoyenneté », mais aussi « Volontariat, le modèle des pompiers est-il transposable ? »… Ils fonctionnent par cycle annuel. Ils se réunissent environ une fois par mois, chaque atelier définissant son rythme de progression. Selon les ateliers, des restitutions écrites ou des rencontres peuvent clore les travaux, mais le but est moins la production collective que la progression personnelle de chacun.
Incubateur des initiatives citoyennes : pour donner des suites aux multiples « envies d’agir » qui sont nées dans les différentes rencontres que nous organisons, nous avons testé en 2007 un accompagnement. La méthode à ce stade très empirique devra être renforcée mais les intuitions fondatrices sont confirmées : la dimension collective de l’accompagnement est essentielle ; une idée peut « migrer » dans un groupe, de celui qui l’a émise sans intention d’action (au cours d’un débat) à d’autres qui voient comment la mettre en œuvre.
Signaux faibles : quelques paroles inattendues dans un discours convenu, un évènement local -ou international- qui n’est pas traité ou mal traité par les médias. Ces signaux faibles, qui apparaissent en filigrane dans l’actualité, nous montrent les transformations positives en cours, pour qui est attentif aux mouvements qui font bouger la société. Les Ateliers de la Citoyenneté cherchent tout d’abord à les débusquer dans les flux continus de l’information, puis à les partager lors des réunions publiques « Instantanés »
Comme aurait pu dire Magritte : «ceci n’est pas un communiqué »
En tout cas, il n’a pas la forme traditionnelle des communiqués : pas d’annonce tonitruante, d’événement proche…
Nous souhaitons simplement partager la dynamique des Ateliers, révélatrice d’un besoin de citoyenneté, qui s’inscrit à présent dans la durée mais avec des formes régulièrement renouvelées.
Notre pratique consiste avant tout à créer des liens, entre les personnes, entre les idées : c’est par la rencontre que nous pourrons collaborer, produire spécifiquement des écrits pour les médias dont vous avez la charge, portraits, témoignages des participants… Nous vous invitons aussi à lire les lettres et forum de notre site Internet, à participer aux Rencontres publiques.
En résumé, si vous souhaitez observer ce qui se passe aujourd’hui en France sous le vocable citoyenneté… nous sommes avec plaisir vos interlocuteurs.
Laurence Gauthier
Nouvelles, grandes et petites
Un NOUVEAU rendez-vous : le 12 avril
Vous étiez nombreux à demander l’organisation d’une rencontre régulière qui permette de vivre un moment utile et convivial dans l’esprit de ce que sont, pour vous, les Ateliers de la Citoyenneté.
Nous commencerons par un café-palabre pour partager des nouvelles de nos initiatives respectives (celles des Ateliers bien sûr et aussi celles qu’amèneront tous les participants) et prendre le temps de rebondir de l’une à l’autre. Nous savons combien ces temps informels sont précieux.
Nous continuerons par un banc d’essai pour découvrir concrètement une démarche, une méthode, un jeu… qui pourrait contribuer à enrichir nos « habiletés citoyennes ». Pour ce premier rendez-vous, nous « testerons » avec Christine Zanetto une manière de pratiquer les ateliers d’écriture dans un esprit très proche de celui des Ateliers, comme vous pouvez en juger en lisant le témoignage de Monique, une participante : « J’ai été très impressionnée par la qualité d’écoute, de respect des personnes, mais aussi dans les propositions d’écriture : propositions ludiques, pas de jugement, ni de compétition, , du coup, cela induisait une grande présence à soi et aux autres. ».
NB : d’autre partages de pratique sont envisagés pour des rendez-vous ultérieurs : autour des ateliers d’argumentation par exemple ou encore des démarches de démocratie participatives pratiquées dans les pays scandinaves avec deux étudiants qui les ont vécues pendant une année passée aux Pays-Bas. La liste pourra s’enrichir de vos propositions !
Rendez-vous donc samedi 12 avril, de 9h30 à 12h30 au 40 rue de Crimée
Si ce rendez-vous correspond bien à l’attente que nous avons perçue, nous en ferons un rendez-vous régulier, tous les 2èmes samedis du mois.
Suites de l’atelier « habitat et âges de la vie »
La rencontre organisée à Grenoble avec le CAUE de l’Isère autour des travaux de l’atelier « Habitat et âges de la vie » a réuni plus d’une trentaine de personnes motivées pour engager des suites afin que l’habitat groupé devienne une piste reconnue par les pouvoirs publics face à la crise du logement. Dans une approche Développement Durable, l’habitat groupé permet en effet de réduire les coûts du logement par la mutualisation d’une part des espaces à vivre, de réduire l’étalement urbain en sortant du modèle du pavillon isolé au milieu de son terrain, de recréer des liens entre les personnes et entre les générations. Bientôt un compte-rendu sur le site.
La Ville de Lyon soutient les Ateliers
A l’initiative de Louis Pelaez, l’ancien adjoint à la vie associative de la Ville de Lyon, avec qui nous avons mis en place les premières « bourses des envies d’agir », nous avons pu obtenir un financement de 6 000 € pour faire face, a minima, à notre période de transition. Nous espérons que la coopération engagée l’an dernier se poursuivra dans le même esprit avec son successeur.
Le Forum créatif d’Emergences : une première occasion de coopérer
Emergences est l’association présidée par Jean Brunet-Lecomte avec qui nous travaillons à la création d’une fondation d’entreprises. Sans attendre son éventuelle transformation en fondation, Emergences organise un « forum créatif » le 19 mai pour repérer des « jeunes talents » ayant des envies d’agir au service du bien commun. Nous sommes tous invités à proposer des participants potentiels (voir appel aux jeunes talents et projets citoyens sur le site)
Les débats en magasin avec Leroy Merlin ont repris
A Lille le 6 mars sur l’habitat sain (voir compte-rendu), à Gennevilliers le 28 mars sur le handicap, nous avons repris notre tour des magasins Leroy Merlin pour organiser des débats avec clients, salariés et experts sur des questions de société qui touchent l’habitat. C’est toujours aussi vivant. A quand des débats dans d’autres enseignes ? On y travaille, on y travaille… ! En tous cas merci aux équipes de Leroy Merlin d’avoir su innover en la matière.
A Paris, la quête des « signaux faibles » continue !
Alain de Vulpian, Irène Dupoux-Couturier, Marc Ullmann et quelques autres poursuivent leur travail de repérage. Que les Parisiens intéressés n’hésitent pas à se manifester (voir leurs dernières moissons sur le site).
L’anthropocène
Nous serions entrés dans l’anthropocène (étymologiquement : période de l’homme récent !?). Une nouvelle ère qui viendrait s’ajouter aux quatre autres qui ponctuent les trois et quelques milliards d’année de l’histoire géologique de notre Terre. De très inégales durées d’ailleurs. Voyez plutôt : moins de deux millions d’années pour le quaternaire, une soixantaine pour le tertiaire, trois fois plus pour le secondaire et tout le reste, environ trois milliards, pour le primaire. Et pourquoi ce bizarre découpage ? Parce que les surfaces affleurantes de ces quatre périodes sont, elles, à peu près égales. C’est dire si le quaternaire est mince et le primaire, épais.
Quant à l’anthropocène, il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour couvrir une surface comparable. Et c’est cela que les inventeurs de ce concept veulent signifier. Frapper les esprits en montrant que, désormais, l’espèce humaine pèse plus sur la transformation de la Terre que tous les autres agents d’érosion.
C’est grave mais que faire :
• Pour certains la seule solution est de vivre autrement, en basse énergie… Mais ceux qui le disent sont aussi ceux qui -globalement- voyagent le plus, se chauffent l’hiver et se climatisent en été, lavent abondamment leurs corps et leurs vêtements, mangent le plus de viande….
• D’autres, conscients de ces contradictions, pensent, sans oser le dire, que le vrai problème vient de notre nombre : 6 milliards d’êtres humains aujourd’hui, 10 demain… c’est beaucoup trop. L’optimum serait entre 500 millions et 1 milliard, pas davantage. Admettons mais c’est pour quand ? Dans 200, 300 ans …? Et surtout sur quels critères se fera le tri ? Ne s’agirait-il pas d’un retour de l’eugénisme ?
• Il y a aussi des optimistes. Nous autres humains forçons la Terre à sur-produire, eh bien aidons-la à sur-recycler nos déchets (le CO2, les eaux usées notamment). Préparons-nous à vivre dangereusement : à « pomper la mer », cultiver des OGM à haut rendement photo-synthétique, domestiquer l’énergie nucléaire, exploiter l’univers…
Ramené à l’échelle individuelle cela voudrait dire à la fois :
• Augmenter télé-travail, la marche à pied, le vélo et le train mais moins rouler en voiture et surtout éviter l’avion. Et, par exemple, pourquoi être obsédé par le gain de quelques minutes sur un trajet de deux ou trois heures pour, au contraire, voyager moins vite mais plus agréablement et travailler en même temps ?
• Attention à la sur-natalité et au besoin effréné de prolonger la vie. Le Dalaï Lama n’a-t-il pas raison de s’étonner de « ces hommes qui perdent la santé, pour accumuler de l’argent puis perdent de l’argent pour retrouver de la santé… Qui vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu ! »
• Sans considérer tout progrès comme un bien, soyons néanmoins plus confiants en l’avenir. Les OGM sont peut-être inutiles pour nous mais pour sortir l’Afrique et l’Asie de la sous-alimentation, c’est sûrement moins évident ?
Autrement dit, ces approches sont plus complémentaires qu’opposées. Et c’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre l’idée d’anthropocène pour en tirer d’utiles enseignements ?
Guy Emerard
Petit retour en arrière (lettre n° 3 du 16 octobre 2003)
Je ne suis pas un adepte du rétroviseur mais je pense toujours actuel le texte que j’avais rédigé à l’occasion de l’affaire Humbert, intitulé : « Il faut une loi ! Il faut une loi ! ». A vous de juger :
Avec l’affaire Humbert, nous voilà à nouveau victimes de notre fièvre légiférante. Mais faut-il vraiment une loi ? Les partisans d’une loi sur l’euthanasie disent qu’elle éviterait qu’un tel drame se reproduise. Mais il me semble que le drame, réel, ne tient pas tant au fait que « tuer son fils par amour » soit ou non légal, mais qu’on ait à vivre une telle situation. Une loi n’éviterait ni la douleur, ni (on l’espère) les cas de conscience.
Michel Serres dit fort utilement dans le Figaro que le geste de Marie Humbert « pose la question du cheminement entre la loi universelle et la singularité privée ». La loi ne peut résoudre à notre place nos questions de conscience. La loi est pour tous, il ne peut y avoir de loi pour chacun. La loi sortirait de l’espace public et on en viendrait à la loi « privée » (ce qui est l’étymologie même du mot privilège).
Nous qui cherchons à être des citoyens entreprenants, parce que nous partons de la personne et de son envie d’implication, devons sans doute réfléchir à l’interaction entre ce qui relève du public et du privé, de la loi et de la responsabilité personnelle. Refonder la politique à partir des personnes ne doit pas à mon sens conduire à considérer que tout est politique.
Rappelons-nous qu’il y a quelques années on clamait « il faut une loi !» pour lutter contre les dérapages verbaux de Le Pen ou pour éviter les dérives des bizutages. Aujourd’hui ressurgit le souhait d’une loi « contre le port du voile » alors que nos principes de laïcité sont très clairs.
La loi ne peut pallier l’une après l’autre toutes nos lâchetés. Des lois universelles (on ose à peine utiliser ce mot, disons générales) existent déjà. Sachons les appliquer dans l’espace public et sachons faire preuve de discernement dans l’espace privé de nos consciences.
HCD
La presse bouge !
La sortie de deux nouveaux magazines a de quoi réjouir les amateurs d’un journalisme qui renoue avec le grand reportage.
XXI , un magazine de grand reportage de 200 pages où souffle le vent du large : des journalistes, des écrivains, des photographes et des dessinateurs reprennent la tradition du récit pour nous faire découvrir ceux qu’ils ont rencontrés de par le monde : des bagnards dans leur vie quotidienne en Sibérie, une rencontre avec le polonais Bronislav Geremek qui parle d’Europe ou encore un aventurier russe, Edouard Limonov dont le parcours déjanté est raconté en 8 chapitres époustouflants par Emmanual Carrère. Les concepteurs sont en train de gagner leur pari audacieux (pas d’étude de marché, pas de publicité), le désir de grand large des journalistes a rencontré celui des lecteurs : plus de 45 000 exemplaires du premier numéro vendus, le numéro 2 sort le 17 avril (15 € en librairie, parution trimestrielle, vous pouvez découvrir son sommaire ici http://www.leblogde21.com/)
LE MOOK (magazine/book) s’intéresse à ceux qui initient et inventent au quotidien, ceux qui entreprennent des actions à la place où ils sont, pour faire discrètement bouger l’ordre des choses. Dans le premier numéro de janvier on découvre un cuisinier/inventeur catalan, le fondateur d’une radio libre à Istambul, Bernard Brunhes et son réseau France Initiative, mais aussi un très beau reportage photo sur une ligne de chemin de fer qui relie Paris à Marseille en passant par l’Auvergne. (15 € en librairie, parution trimestrielle, Edition Autrement)
Pascale Puechavy
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