…et si nous devenions des “citoyens entreprenants” ?

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Les Débats de LEROY MERLIN SOURCE : Handicap et habitat : Gennevilliers, 28 mars 2008

Filed under: Les réunions récentes,Productions et traces — Auteur : — 25 Avr 2008 —

Les Débats de LEROY MERLIN SOURCE

Un sujet, des experts, nos clients et nous

 

Handicap et habitat

 

Quelles attentes et quels besoins

des personnes handicapées et de leurs familles ?

 

Gennevilliers, 28 mars 2008

 

Experts invités

Isabelle Barilaro, ergothérapeute

Lionel Chomet, architecte ergonome

 

 

Les personnes handicapées et leurs familles ont besoin de solutions faciles et ergonomiques pour leur habitat et leur vie quotidienne.

Mais comment identifier les besoins actuels et futurs ? Où trouver les conseils pour réaliser le meilleur aménagement ? Comment financer son projet ?

Ces préoccupations, Florent Combemorel, directeur du magasin de Gennevilliers, les prend à son compte, car il veut « prendre des initiatives sur le terrain de la diversité, de toutes les aspérités de notre société, et notamment le handicap » et plus globalement « améliorer la vie de nos clients, en lien avec notre réalité économique ».

 

 

Les enjeux de l'habitat pour la personne en situation de handicap

 

De qui et de quoi parle-t-on précisément ? Isabelle Barilaro rappelle les cinq types de handicap : moteur, mental (dès la naissance, avec des incapacités à apprendre), sensoriel (auditif, visuel…), psychique (les troubles du comportement comme l'autisme) et enfin les situations de pluri handicap. Et si on parle aujourd'hui de personnes en situation de handicap, c'est pour considérer que c'est la société qui les tient à l'écart. Si cette dernière leur permettait un accès plus facile à toutes les composantes de la vie, ces personnes ne seraient plus, ou beaucoup moins, en situation de handicap. On peut y ajouter les situations de handicap provisoires, post-accidentelles et les limitations de capacité dues au vieillissement : Lionel Chomet précise que 70% de la population est ou sera concernée à des degrés divers par des limitations d'activités dues à un environnement inadapté aux capacités de l'individu vieillissant.

Investir un logement – ou le réinvestir après un accident ou un problème de santé – pose des problèmes de deux natures différentes à la personne en situation de handicap. Elle a besoin d'aménagements pratiques pour y être autonome, mais elle a comme tout un chacun besoin de se reconnaître et de se sentir bien dans son « chez soi ». Il est donc souvent difficile d'accepter de modifier son environnement intime, pour la personne et pour les autres membres de la famille : « l'habitat, c'est un prolongement de soi, estime Florent Combemorel, c'est aussi ce qu'on peut présenter de soi à ses proches ». Les changements matériels ne doivent pas être envisagés sans considérer les évolutions psychologiques qui vont de pair. Isabelle Barilaro rappelle que « des sanitaires ou une salle de bain qui ressemblent à ceux d'un hôpital » peuvent devenir pesants. Autrement dit, il s'agit de conjuguer au mieux pratique et esthétique, de ne pas négliger la décoration dans l'aménagement de l'habitation.

Et bien souvent, les personnes et les familles se préoccupent aussi de la valeur de leur bien immobilier : elles craignent que des aménagements spécifiques, une rampe d'accès ou des barres d'appui par exemple, dévalorisent ce bien lors d'une future revente.

 

La loi de février 2005, une loi pour l'accessibilité

 

Pour l'heure, un participant au débat s'interroge : il souhaite mettre un appartement en location, pourquoi pas à une personne handicapée, mais il aimerait connaître les adaptations nécessaires, voire obligatoires. L'occasion de présenter justement les grandes lignes de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité et la participation des personnes handicapées, qui prévoit notamment l'accessibilité généralisée à tous les domaines et bâtiments de la vie sociale. Elle impose ainsi que les logements soient accessibles à tous les types de handicap dans les constructions neuves en collectif ; une obligation étendue aux logements individuels, en particulier s'ils sont construits dans un but locatif, et petit à petit aux rénovations.

La mise en oeuvre de cette loi est néanmoins laborieuse pour ces dispositions concernant l'habitat, les circulations et les aménagements intérieurs, tant les enjeux sont divers et nombreux : largeur des portes et des couloirs à 83 centimètres pour les fauteuils, interphones ou interrupteurs pour les personnes de petites tailles, repères visuels… La loi a généré plus de 70 décrets d'application à ce jour. Pour l'habitat, Lionel Chomet précise que celui du 30 novembre 2007 est désormais la meilleure référence. Mais les réglementations qui régissent l'accessibilité et le cadre bâti sont contradictoires entre elles : là où un seuil de porte plat, de plain pied, est exigée pour le passage d'un fauteuil, la réglementation de la construction impose un ressaut pour éviter les infiltrations d'eau, lequel ressaut ne doit quand même plus dépasser les 2 centimètres de hauteur…

Il est certain en tout cas que « nos habitations vont changer », assure Isabelle Barilaro : on ne construira plus des pièces ou des espaces exigus comme les WC, dans lesquels un fauteuil ne peut pas circuler. Ces nouvelles normes risquent donc aussi d'être gourmandes en mètres carrés : pour l'architecte, il faudra trouver de nouvelles solutions, comme rassembler WC et salle de bain en une seule pièce.

L'ergothérapeute résume : « jusqu'à cette loi, la personne handicapée devait s'adapter à son environnement, désormais c'est l'environnement qui doit être adapté aux situations de handicap. En principe… ».

 

Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), l'accompagnement administratif

 

Autre apport de la loi de février 2005, la création de ces maisons qui font office de guichet unique pour les personnes et les familles concernées : c'est donc le lieu ressources privilégié pour accéder à l'information, aux aides, pour s'orienter… et pour monter les dossiers de financement pour les aménagements du domicile. A partir d'un descriptif du handicap, l'enveloppe peut aller jusqu'à 10 000 euros, pointe Lionel Chomet. Mais Isabelle Barilaro tempère très vite : « il y a énormément d'attente, elles sont débordées. Il faut insister… ». Elle conseille de s'adresser en complément aux assistantes sociales des centres de Sécurité Sociale : « elles peuvent appuyer ». Ou encore de contacter des réseaux de santé, comme Agékanonix dans les Hauts de Seine, une association présente sur Villeneuve-la-Garenne, Gennevilliers et Clichy, qui intervient sur tous les types de handicaps : son équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmière, ergothérapeute, psychologue, assistante sociale) fait le lien entre l'hôpital, la médecine libérale et les particuliers.

A noter qu'existe une condition d'âge pour s'adresser à une MDPH, puisqu'elles traitent les dossiers de handicaps détectés avant 60 ans. Au-delà, c'est le rôle des CLIC, les centres locaux d'information et de coordination (actuellement implantés dans les communes mais qui devrait intégrer les MDPH d'ici deux ans).

 

L'ergothérapeute, l'accompagnement paramédical

 

Dans cette profession, Isabelle Barilaro pratique à la fois en libéral (au sein de l'association Pact Arim des Hauts de Seine) et comme salariée au sein d'un établissement gériatrique du département. Dans les deux cas, elle accompagne la personne dans l'aménagement de son domicile, l'aide à améliorer son environnement en proposant des aides techniques et en prévoyant les travaux nécessaires : cheminements pour un fauteuil roulant, rampes d'accès pour passer des marches, barres d'appui, stylos ou couverts adaptés pour des difficultés de préhension… Bref, tout ce qui est nécessaire sur le lieu de vie, ainsi que sur le lieu de travail, pour permettre de reprendre une vie familiale, sociale et professionnelle. « C'est toujours du cas par cas, dit-elle, c'est de l'adaptation à LA personne, pas à un type de handicap : face à un même handicap, deux personnes différentes ne l'aborderont jamais de la même manière, en fonction de leurs habitudes, de leurs modes de vie… ».

Pour Isabelle, il s'agit d'être à l'écoute des souhaits et des difficultés de la personne, de mesurer avec elle ses aptitudes, ses besoins, et de définir les priorités. Concrètement, cela commence le plus souvent par des travaux dans la salle de bain, puis se prolonge par les circulations dans le logement, et enfin sur l'environnement extérieur immédiat et les entrées. « Ensuite on fait un compte-rendu à la personne, poursuit-elle, et bien sûr on l'accompagne dans ses démarches. Mais en priorité, on la laisse faire un maximum de choses par elle-même : plus elle est impliquée, mieux elle intègre le projet ! ». Elle précise toutefois qu'elle s'efforce de suivre la personne handicapée jusqu'au bout du processus, de l'aiguiller dans ses achats et ses contacts avec les installateurs, entreprises ou artisans. Pour ces travaux parfois atypiques, elle prend souvent contact en amont avec ces professionnels (« ça passe bien quand on explique le but de ces aménagements », avec un petit croquis par exemple), et fait systématiquement une visite après : « je reprends contact si il y a un souci. Le plus souvent, ils acceptent de revenir reprendre le chantier si nécessaire ».

 

L'architecte, l'accompagnement dans la conception du logement

 

Le cas par cas, c'est aussi une évidence pour Lionel Chomet. Architecte, lui-même en fauteuil, il travaille au sein du CAUE de Seine Saint-Denis. Les Conseils en Architecture, Urbanisme et Environnement sont des associations créées par les départements, qui s'adressent autant aux collectivités et qu'aux particuliers. Pour les situations de handicap, « mon activité est très complémentaire de celle de l'ergothérapeute, explique-t-il : elle évalue les gestes, la possibilité de les réaliser, alors que l'architecte conçoit les volumes et les espaces nécessaires ». Une mission de conseil « complexe, face à la multiplicité des cas particuliers. On est dans le pratique, spécifique pour chaque logement ». Car il n'existe ni catégorie, ni classement ni même de vocabulaire précis pour définir les situations, les mouvements, les besoins de chaque personne.

Dans un projet, l'architecte apporte méthode et recul. Méthode car « il ne s'agit pas toujours de rajouter des choses dans l'aménagement intérieur, mais de se poser les bonnes questions, d'écouter, d'analyser et de synthétiser les besoins et les souhaits exprimés » ; et recul car « la personne est souvent accaparée par son problème, alors que nous qui ne sommes pas directement concernés, nous pouvons l'amener à prendre de la distance ».

Lionel Chomet privilégie la notion de « qualité d'usage », autrement dit la pertinence des adaptations pour chacun, au-delà de la simple application des normes. Par exemple, pour les rampes d'accès dont la norme de déclivité est de 5 %, il estime qu'il faut moduler : « ces 5%, c'est valable pour des rampes de 2 à 5 mètres de long ; mais on peut faire plus pentu et plus court si il n'y a qu'une faible hauteur à franchir ; inversement, au-delà de 5 mètres, il faut prévoir un palier de repos à mi-parcours, un plan plat pour reprendre son souffle ».

 

Leroy Merlin, l'accompagnement du client

 

« Notre responsabilité, expose Florent Combemorel, c'est d'apporter des réponses à nos clients ; et notre ambition de trouver et de proposer les produits adaptés, et d'en démocratiser l'accès ». Il rappelle que cela passe notamment par la gamme spécifique de produits Adapt (Adapter l'habitat à toutes les étapes de la vie), et le guide qui l'accompagne sur Internet, qu'il est nécessaire de faire connaître à la clientèle. Le rôle d'un magasin comme celui de Gennevilliers, c'est aussi de recueillir les avis des clients et de faire remonter l'information vers la centrale d'achats de Leroy Merlin. L'enjeu est encore de permettre la meilleure information et le bon conseil, comme le débat va l'illustrer.

Car un couple de participants intervient : elle est « reconnue handicapée à 80% » et lui retraité. Ils ont une maison en projet, mais « savoir où aller, à qui s'adresser, c'est le parcours du combattant pour le particulier », regrette-t-elle (lire encadré Se faire entendre). Son mari s'interroge, pour sa femme qui ne peut pas lever les bras : « existe-il des baignoires larges ? Qu'en est-il des baignoires à porte ? ». « Fortement déconseillées, ces baignoires à porte, dit Isabelle Barilaro, dans un sourire, il fallait attendre qu'elles soient vides pour en sortir… au risque de prendre froid ! ». Lionel Chomet enchaîne : « il existe des douches à jets multiples. Ou les douches à siphon de sol, à fond plat, dans lesquelles on peut installer un siège ». « Et ajouter une robinetterie plus basse peut compléter la solution » renchérit Florent Combemorel.

La démonstration est ainsi faite de l'efficacité d'un réseau de compétences : « pourquoi ne pas s'organiser demain pour renseigner les clients, les renvoyer vers des ergothérapeutes ou des architectes ? », propose un salarié du magasin. « Et peut-être accompagner les personnes dans l'acceptation des changements dans leur logement », prolonge le directeur. Une telle collaboration a démarré au magasin de Plan de Campagne avec une ergothérapeute, suite à un débat sur le même sujet.

 

Enrichir la gamme et le service

 

Pour Leroy Merlin, l'enjeu est aussi de « concilier accessibilité et prix ». Une préoccupation partagée par Isabelle Barilaro, qui privilégie systématiquement des produits grand public, moins chers, dans les aménagements à faire. Et elle souhaiterait avoir plus de choix, en prenant un exemple dans la gamme Adapt : « le siège de douche relevable n'est pas réglable en hauteur, donc guère utile pour les petits ou les très grands ». Elle souhaite que des achats plus massifs par les grandes enseignes fassent diminuer les prix. Au passage, chacun rappelle ici que le matériel dit adapté est bien souvent au service du confort de tous : ce fut le cas de la télécommande, rappelle un vendeur ; un autre précise que les douches à siphon de sol se vendent beaucoup pour des raisons esthétiques. Allier le pratique et l'esthétique est d'ailleurs le leitmotiv partagé des participants.

Lionel Chomet insiste pour sa part sur le développement des commandes à distance, des commandes électroniques, des capteurs qui repèrent une présence : les applications se multiplient pour l'éclairage, la robinetterie, la ventilation… Et là encore matériel adapté est synonyme de progrès pour tous : quand l'architecte décrit un robinet sans bouton à tourner pour la personne handicapée (qui se ferme donc dès qu'on s'éloigne), un autre participant en voit tout l'intérêt chez lui avec ses trois enfants ! Sur toutes ces avancées en domotique et robotique, Lionel Chomet précise que l'hôpital de Garches est la référence, avec un vaste éventail de solutions.

Dernière piste de réflexion avancée : face à la difficulté parfois éprouvée pour la pose de nouveaux équipements spécifiques, on imagine ici que Leroy Merlin pourrait apporter un service de ce type.

 

HQE, RSE : Haute Qualité Environnementale, Responsabilité Sociétale de l'Entreprise

 

De l'aménagement pour le handicap au progrès dans la maison pour tous, le pas est souvent franchi. Lionel Chomet affirme que s'il faut mettre en oeuvre « une volonté d'autonomie pour tous, il faut aussi penser l'amélioration et la qualité de l'habitat de manière globale. Penser HQE, Haute Qualité Environnementale. On ne peut pas dissocier l'aménagement de l'espace de l'isolation, la ventilation, la lumière… ».

Et pour l'enseigne Leroy Merlin, cela correspond à une volonté d'engagement, à la fois en interne, dans sa proximité et plus globalement pour l'avenir : « ça relève de la responsabilité sociétale de l'entreprise », souligne encore le directeur du magasin. Il souligne que cette ouverture sur l'environnement passe aussi à Gennevilliers par un recrutement diversifié : une vingtaine de nationalités, et aussi désormais des embauches de personnes handicapés, sourds-muets et malentendants en l'occurrence. Des salariés handicapés qui peuvent jouer un rôle de « diffuseur d'informations et de veilleur en interne, resitue Hervé Chaygneaud-Dupuy, comme nous l'avons vu lors d'un débat au magasin de Lorient ». « Il y donc beaucoup à faire, conclut Florent Combemorel, il y a des freins à l'intégration y compris chez nous ; mais nous voulons avoir des équipes qui tout simplement… ressemblent à nos clients ! ».

 

 

 

Ressources et contacts

 

Les informations sur la loi de 2005, les MDPH, les aides… : http://www.handicap.gouv.fr

 

Pact Arim, mouvement pour l'amélioration de l'habitat : http://www.pact-arim.org

Pact Arim des Hauts de Seine

27-31 rue d’Arras 92741 Nanterre Cedex

Tel.: 01 55 17 19 60

http://www.pact-arim-hts-seine.org

 

Site des CAUE, conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de France : www.caue.org

Fédération nationale des CAUE : http://www.fncaue.asso.fr

 

Réseau de santé Agékanonix

194 boulevard Galliéni

92390 Villeneuve La Garenne

Tel : 01.47.98.76.44

 

Hôpital de Garches

Plateforme Nouvelles Technologies

92380 GARCHES

Tel : 01 47 10 70 61

http://www.handicap.org/pages/institut

http://www.handicap.org/pages/PlateformeNouvellesTechnologies

 

Guide Adapt sur www.leroymerlin.fr

Débats en magasin, interviews sur www.leroymerlinsource.fr

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