La transformation a opéré. Si profondément, qu’il est aujourd’hui difficile de faire le point sur le chemin parcouru. Exercice ardu : mettre des mots sur l’invisible, sur une évolution qui a eu lieu, en partie de façon inconsciente, en douceur. Mais exercice nécessaire pour partager cette aventure. Voici donc ce que je retiens de cette année d’échanges, en quelques points :
Etre écoutée et entendue : une expérience constitutive de l’identité citoyenne
Je me rappelle en premier lieu avoir été frappée par la considération accordée à l’expérience de chacun. Il existe un postulat fondamental dans les relations tissées au sein des Ateliers : chaque expérience a une valeur, est digne d’être partagée ; et chacun a donc par essence la légitimité de s’exprimer. Pas d’experts, nous interagissons entre pairs.
Etant la benjamine du groupe, j’ai était particulièrement marquée par l’écoute que m’ont accordée les plus expérimentés, ces « experts de la vie professionnelle », par l’intérêt qu’ont suscité ma démarche, mon parcours. Prendre conscience que mon vécu pouvait être digne d’intérêt et, ensuite, que me soit de ce fait accordée une légitimité à m’exprimer sur la question du métier, représente une expérience fondatrice pour moi.
Ceci a indéniablement contribué à construire mon identité citoyenne. Auparavant, malgré mon désir de participer au « vivre ensemble », pour une raison que j’ignore, je ne considérais pas avoir la légitimité d’intervenir sur les questions publiques. L’aventure de l’atelier métier m’a permis de réaliser que le simple fait d’appartenir à cette société me donnait, de fait, le droit d’agir dans le domaine public. Chaque citoyen construit la démocratie dans laquelle il vit, chaque citoyen en est de fait responsable. Aussi simple soit-elle, cette idée n’était pas naturelle. Serait-ce à dire qu’inconsciemment nous sommes amenés à considérer qu’il y a des citoyens plus légitimes que d’autres ?…
Par ailleurs, au sein des ateliers, j’ai mesuré que mes mots avaient du poids, dans l’accord ou dans le désaccord. Cela m’a permis de renforcer ma confiance en moi. Je pense que j’assume mieux désormais mes opinions et les exprime plus librement.
Les échanges avec des compagnons de réflexion : un moteur pour l’action !
Les récits de l’expérience des autres membres de l’atelier ont été également des sources d’enseignement très riches.
Tout d’abord, il est rassurant de rencontrer des personnes avec qui l’on partage des réflexions communes : donner un sens à son activité professionnelle, chercher à être un acteur responsable de ses choix professionnels, mettre en lien l’identité de travailleur et celle de citoyen. En dehors des ateliers, j’ai peu l’occasion d’échanger aussi intensément, aussi profondément sur ces sujets qui me préoccupent beaucoup.
Ensuite, qu’il est encourageant, qu’il est galvanisant de rencontrer des personnes dynamiques, qui sont dans la construction, qui ne se résignent pas face aux défaillances du système, qui cherchent, à leur échelle, de changer les choses ! Quand on a l’impression d’être seul dans cette bataille, face à une nuée de défaitistes, on est parfois tenté de baisser les bras… Ces rencontres mensuelles m’ont donné la force de persévérer dans mes modestes combats quotidiens.
Enfin, le contact avec des personnes plus expérimentées, différentes de moi, m’a également humainement beaucoup apporté : j’ai aimé écouter les récits de vie de mes ainés, découvrir ces diverses façons d’aborder l’existence ; ce fut une réelle ouverture. Notamment, moi qui ai grandi dans un univers très stable, j’ai découvert des parcours de vie fait de changements, marqués par des remises en cause courageuses. Ces exemples m’aideront certainement, au moment opportun, à me libérer de l’unicité du modèle de vie qui a été désigné par mon éducation.
L’atelier métier : un espace de cohérence identitaire
J’ai trouvé à l’atelier métier un espace de cohérence identitaire. L’expérience du métier de chacun est généralement abordée au travers des rubriques types du CV : formation, expériences professionnelles, compétences… Aborder la question du métier sous la forme d’un récit de vie a mis à jour l’importance des événements personnels dans les choix professionnels. Les véritables motivations, que l’on s’était ingénié à cacher dans le discours officiel à l’employeur potentiel, étaient enfin dicibles ! Quel bonheur de pouvoir s’affirmer dans son entière vérité ! Une vérité parfois douloureuse à dire… Mais cette verbalisation opère le miracle de transformer les épreuves de la vie, alors considérées comme des faiblesses à dissimuler, en forces, en moteurs pour l’avenir !
Quel chemin parcouru en parallèle des Ateliers ?
L’expérience de l’atelier m’a donc permis de mûrir, de grandir. Mais elle m’a aussi donné l’énergie de passer à l’action et de persévérer :
J’ai raconté lors d’un atelier, qui fut l’objet d’une synthèse par Philippe, comment, animée par mes convictions personnelles, j’ai commencé à intégrer mes préoccupations écolos dans mon activité professionnelle : en incitant tout d’abord mes collègues à des comportements plus respectueux de l’environnement, en lançant une réflexion de fond sur le management environnemental dans ma direction ensuite.
Les résistances au changement étaient tenaces et ne sont pas encore complètement vaincues. Mais je crois que les rencontres galvanisantes de l’atelier métier m’ont donné l’énergie de persévérer dans cette démarche, profondément animée par mes convictions citoyennes. Même si la bataille est loin d’être gagnée, des avancées certaines se sont produites : la réflexion sur le management environnemental mobilise maintenant un groupe de travail, constitué de représentants de plusieurs directions, et un consultant a été mandaté afin de nous aider à bâtir une politique en la matière. L’environnement est également de plus en plus pris en compte dans le traitement des affaires. Il s’agit d’un travail de longue haleine, qui demandera encore beaucoup d’énergie.
Participer aux Ateliers me rappelle que le changement pour une économie plus citoyenne est possible, que d’autres s’y emploient par ailleurs. Les Ateliers sont, de ce fait, un véritable catalyseur de citoyenneté.
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