Pourquoi les entreprises devraient-elles s'intéresser à la citoyenneté ?
Les gens se détournent de la chose publique et des élus parce qu'ils constatent l'impuissance des uns et des autres à faire face aux problèmes les plus graves. Cependant, chaque jour, ils inventent de nouveaux rapports aux autres en s'investissant dans des actions aussi diverses que le soutien scolaire, l'organisation d'une fête de voisinage ou le dialogue inter-religieux. En s'impliquant ainsi, ils contribuent au bien commun et, ce faisant, ils acquièrent des compétences humaines… ce qu'on oublie trop souvent.
Le monde économique soutient de plus en plus ce mouvement de fond, mais dans une logique de mécénat, comme si ce qui se passait là lui était extérieur.
N'y a-t-il pas là un paradoxe : comment les employeurs qui disent rechercher des collaborateurs autonomes et entreprenants pourraient-ils se désintéresser de l'acquisition des compétences qui y conduisent ?
Comment retrouver le goût de l'initiative ?
« Avons-nous encore prise sur notre avenir ? » Dans nos sociétés complexes, individualistes et apparemment dépossédées d'elles-mêmes, chacun est tenté de répondre non. Mais, dans le même temps, comme nous le constations, beaucoup de gens réagissent positivement par plus d'engagement, plus de citoyenneté perçue non seulement comme un ensemble de droits et devoirs politiques mais comme une capacité à prendre l’initiative dans la Cité. Les Américains parlent « d'empowerment ». Des citoyens entreprenants, innovateurs et pas simplement protestataires et qui, lorsqu’ils réagissent à un dysfonctionnement, tentent moins de le dénoncer que de le transformer.
Voir ce qui ne va pas est un excellent moteur pour l'action… à condition de réussir à dépasser le sentiment d'impuissance qui saisit chacun d'entre nous face aux problèmes de société. D'où l'importance de commencer par un travail collectif le discernement qui amène à prendre conscience de sa responsabilité personnelle et du pouvoir qui en découle. Brûler cette étape conduit le plus souvent à un activisme dénonciateur ou à des engagements éphémères.
Repenser l'éducation populaire pour fortifier la société civile…
C'est ainsi que fonctionnait l'éducation populaire. Elle a permis à beaucoup de se découvrir citoyen mais c'est désormais un mouvement irrémédiablement « daté », incapable de reconquérir un public significatif. Malheureusement, ce qui avait été réussi il y a 60 ans au sortir de la guerre, personne ne le propose plus aujourd'hui dans un contexte qui demanderait pourtant des initiatives de l'ampleur de celles de l'après-guerre.
L'investissement dans le dépassement de l'impuissance individuelle est le plus sûr moyen d'inventer une croissance et un développement durable. Le monde associatif d'aujourd'hui est sans doute trop tourné vers l'action sectorielle ou trop aveuglément militant. Quant à l'Etat qui avait soutenu fortement l'éducation populaire, il a abandonné progressivement tout le champ de l'éducation permanente et de la formation continue : d'abord aux entreprises suite à la loi de 71, puis aux Conseils régionaux avec la décentralisation à partir des années 80. Il y a donc un vide et c'est aux entreprises et aux régions parce qu'elles sont en charge de « l'apprendre tout au long de la vie » qu'il appartient de le combler.
Elles ont tout intérêt à collaborer pour favoriser l'empowerment, pour recréer la dynamique sociétale dont notre pays a besoin et le sortir ainsi de la crise de confiance qu'il traverse. Une société civile forte et plus autonome à l'égard des Pouvoirs publics conduira nécessairement ceux-ci à se réformer ; l'inverse est impossible.
N'y a-t-il pas à imaginer d'urgence un co-investissement important des entreprises (sous la forme d'une Fondation) et de la Région (par une relance d'un programme d'éducation permanente) ? La simultanéité des engagements serait le signe d'un égal intérêt pour le déploiement des compétences indispensables au développement durable de Rhône-Alpes.
Hervé Chaygneaud-Dupuy et Guy Emerard
Janvier 2007
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