…et si nous devenions des “citoyens entreprenants” ?

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Lettre d’info N° 40 – 10 septembre 2006

Filed under: Lettres d'info — Auteur : — 6 Sep 2006 —

Vous avez normalement reçu l'invitation à l'assemblée générale extraordinaire du samedi 30 septembre. Cette lettre en précise les enjeux et le déroulement. Nous espérons avoir le plaisir de vous y retrouver nombreux. … et comme une lettre des Ateliers se doit aussi de donner à réfléchir, hors des pensées convenues, vous lirez sans doute avec intérêt le texte de Pascale Puéchavy sur les « domiciles fixes »… j'y joins également un texte que j'avais rédigé à l'attention de ceux qui me demandent régulièrement « mais au fait, quelle définition vous donnez de la citoyenneté ?! »

L'assemblée générale aura lieu au 14 rue Basse Combalot de 10h à 17h.

Une assemblée générale pour faire preuve de créativité !

Dans l'invitation à l'AG, j'indiquais le dilemme qui est devant nous : impossible de continuer durablement sans moyens ; impensable d'arrêter pour tous ceux qui comptent sur les ateliers… ce qui nous oblige à faire preuve de créativité pour passer le cap.

Dans les multiples échanges que j'ai eu avec les unes et les autres en vue de cette rencontre, quelles que soient les idées avancées, ce qui ressort, c'est l'envie de prendre part à la poursuite de l'aventure.

Je vous propose que nous consacrions la matinée à balayer l'ensemble des questions qui se posent en termes de SENS, de GOUVERNANCE et de FINANCES. Ces questions sont naturellement liées entre elles. Il faut en démêler l'écheveau et se donner quelques grandes orientations.

Nous pourrons alors en début d'après-midi, en ateliers, préciser certaines pistes d'actions en repérant les énergies mobilisables pour les mettre en œuvre.

Parmi les questions de la matinée que nous aurons à examiner :

Faut-il maintenir le cap choisi jusque-là de privilégier l'apprentissage de la citoyenneté ? faut-il davantage accompagner l'émergence d'initiatives citoyennes ?

Faut-il une ou plusieurs structures pour porter le projet des Ateliers ? A-t-on besoin de créer une coopérative ? Comment mieux équilibrer les rôles entre équipe d'animation, membres du CA, participants aux Ateliers ? quel type de contrepartie peut-on demander en échange de la participation aux activités des Ateliers ?

Faut-il en priorité chercher une réorientation de nos finances vers le privé ? Quelles ressources seraient les plus en phase avec le projet (Droit Individuel à la Formation, missions en lien avec les démarches de démocratie participative, ateliers à l'initiative d'entreprises, mécénat..) ?

Selon les points qui ressortiront de nos échanges, nous pourrons définir plusieurs ateliers pour poser les bases de plans d'action concrets.

Domiciles fixes 

Pendant la deuxième quinzaine de juillet je suis à Paris, accablée comme chacun dans la ville par la forte chaleur, mais je jouis d'un lieu où je peux me protéger du soleil en rabattant les volets et en descendant le store, où je peux me doucher, lire, dormir, manger comme bon me semble. A quelques pas de là, avenue du Général Leclerc, vivent quatre à cinq personnes sur le trottoir, non pas dans un campement provisoire mais dans un domicile en plein air équipé de lits, petits meubles, canapé, appareil à musique. Ils ne se sont pas abrités sous un porche ou sous un pont, ils n'occupent pas un recoin, une anfractuosité du bâti, non, ils habitent un morceau du trottoir. Je les vois discuter, assis sur le canapé, ou dormir, parfois un couple est enlacé dans le sommeil, pendant que l'appareil à musique joue un air d'été à la plage. Passer sur ce morceau de trottoir c'est comme pénétrer dans une maison où vous n'êtes pas invité, comme traverser une chambre où dorment des inconnus, eux vous ignorent mais vous avez le sentiment d'entrer par effraction dans le plus profond de leur intimité.

Sur la même avenue d'autres personnes se sont aménagés d'autres domiciles en plein air, plus rudimentaires et en solitaires. Dans un autre quartier, le long du canal St Martin, j'aperçois plusieurs tentes sous un pont et aux alentours. Un bateau mouche passe sous le pont, ses projeteurs éclairent brusquement quelques personnes jouant aux cartes au milieu des tentes, elles agitent la main en réponse aux saluts que les touristes leur adressent.

Domicile : lieu habituel d'habitation dit le Larousse. Le trottoir équipé comme une maison, les tentes sur les berges d'un canal sont donc bien des domiciles, puisque étant des lieux d'habitation habituels, des domiciles aménagés sur l'espace public faute d'un espace privé à habiter.

J'apprends en lisant le journal que la Mairie de Paris a missionné deux associations pour persuader les habitants des tentes (distribuées par Médecins du monde cet hiver) de les abandonner et d'accepter des places dans des centres d'hébergement provisoire. Des personnes en charge de cette mission témoignent de leurs difficultés à la mener à bien. Elles constatent que les tentes ont permis aux personnes vivant dans la rue de s'aménager un espace à la fois privé (des affaires personnelles y sont rassemblées) et collectif (de la garde réciproque des effets personnels au partage de moments festifs) qu'elles ne veulent pas quitter. Avoir un espace privé constitué d'une simple toile protégeant des regards et de la pluie est donc plus précieux que d'être provisoirement hébergé dans un dortoir tout confort ?  Vivre en compagnie de ses pairs, batailler avec –ou contre- eux pour la survie mais aussi discuter, écouter de la musique et jouer aux cartes est donc plus précieux que d'être l'objet de la sollicitude de professionnels du social ?

Pendant cette deuxième quinzaine de juillet, dans la pénombre de mon appartement, je suis plongée dans la lecture de l’ouvrage de Jacques Rancière « Le maître ignorant ». J’y lis cette citation de Joseph Jacotot : « Sublime attribut de l'intelligence, la souveraineté de soi distingue l'homme de la brute ».

Pascale Puéchavy

Définir la citoyenneté ?

On m'a parfois reproché de parler de citoyenneté sans l'avoir a priori définie. En y réfléchissant cet été, je me suis rendu compte que ça devait tenir à mon allergie aux définitions ! Parmi les dictionnaires, ceux que je préfère, ce sont les dictionnaires étymologiques et historiques, certainement pas ceux qui se bornent à donner des définitions. Je préfère comprendre un mot par sa filiation, ses évolutions, ses parentés inattendues mais révélatrices que par la froide tentative d'enfermement que constitue pour moi toute définition. La définition est par nature réductrice mais plus encore elle tend à distinguer, à séparer, à catégoriser. En définissant la citoyenneté, on est forcément amené à distinguer ceux qui sont citoyens et ceux qui ne le sont pas , à séparer les activités qui relèvent de la citoyenneté et celles qui n'en relèvent pas,… On sait bien pourtant que la passion française pour les catégories est une des causes majeures de notre incapacité à nous réformer.

Ce n'est cependant pas seulement mon aversion pour la taxinomie qui m'a empêché de proposer une définition de la citoyenneté. Je crois que ça tient aussi au fait que ce mot au départ m'était assez étranger tel qu'il était habituellement utilisé : les notions de droits et devoirs du citoyen, la défense du citoyen contre les puissants, tout cela fleurait bon le catéchisme républicain dont l'actualité ne me sautait pas aux yeux ! La notion qui me paraissait centrale c'était celle de personne par opposition à celle d'individu. La personne, c'était la pluralité assumée des rôles humains : parent, travailleur, citoyen,… Pour moi la citoyenneté n'était qu'un rôle parmi d'autres. Si l'individu était la figure de la quête de l'indépendance à tout prix, la personne à l'inverse représentait l'humain gagnant son autonomie dans des interdépendances assumées.

Alors pourquoi ne pas avoir imaginé des « ateliers de la personn…alité » au lieu des ateliers de la citoyenneté ? sans doute parce que le terme ne faisait pas sens mais surtout parce que la notion de développement personnel, telle qu'elle m'apparaissait, mettait trop l'accent sur la recherche du bien être individuel. Je vois la « personne » comme un être fondamentalement politique, la vie de la Cité ne peut donc être étrangère à son développement. Or c'est précisément sur ce registre qu'il me semble utile d'agir, non pas pour amener les gens à se comporter en citoyens, comme s’il n'y avait qu'à intégrer des notions pour le devenir mais bien pour les aider à découvrir qu'ils peuvent devenir des entrepreneurs civiques ou des citoyens entreprenants. Pas besoin pour cela de se mettre d'accord sur une définition préalable de la citoyenneté. Il ne s'agit en effet pas d'une mise en conformité mais d'une mise en mouvement ! A chacun de trouver parmi les nombreux sujets que nous avons en commun, celui (ou ceux) sur le(s)quel(s) il sent intuitivement qu'on n'a pas tout compris et/ou tout tenté et qu'un travail de discernement collectif aiderait à mieux appréhender.

La citoyenneté c'est ainsi œuvrer à la composition toujours en cours d'un monde commun. Rude tâche qui se laisse difficilement enfermer dans une définition…

Hervé Chaygneaud-Dupuy

 

 

 

 

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