Dario Fo, vous connaissez ! Moi, non. Du moins jusqu'à cet été où le « Courrier international » en eût fait paraître une brève nouvelle sous un titre étrange et ironique : « Le pape et l'effet de serre ».
En fait l'idée d'associer le « pape » au dérèglement climatique a du lui venir au cours de son écrit. Il commence en effet sur le thème de la catastrophe écologique qui nous atteint et dénonce l'incapacité des hommes à y faire face. Puis, brutalement et de façon incongrue, il fait entrer le pape dans son récit. Avec ses prélats, ses conseillers, son entourage… lui aussi passe en revue les causes et les conséquences désormais bien connues de l'effet de serre pour aboutir au même constat d'impuissance…
Puis sa conclusion arrive. La réponse papale est évidente : « Prier », tout en étant immédiatement complétée : « Mais renvoyer encore et toujours la solution à l'intervention divine n'est pas une solution digne de bons chrétiens : ‘N'abusez pas de la bienveillance divine' dit l'évangile. Que chacun parle et lève la main pour se faire écouter… Indignez-vous et protestez… pour faire entendre que nous ne sommes pas disposés à être effacés comme n'importe quelle espèce en voie d'extinction ! »
Puis Dario Fo ajoute en post-scriptum : « Je viens de relire cette harangue… Je me sens mélancolique mais satisfait. Peut-être notre pape mérite-t-il toute notre attention. » Comme si cette nouvelle écrite en vitesse sur le ton de l'humour plutôt désabusé avait conduit son auteur à une conclusion plus profonde et porteuse d'espoir qu'il ne s'y attendait lui-même.
Or il se trouve que, cherchant cet été un livre sur l'histoire de l'Europe, je me suis rabattu sur un ouvrage d'Henri Tincq : « Ces papes qui ont fait l'histoire ». D'entrée, il met en contrepoint Pie VII qui, au début du XIX° siècle, se retrouve sans pouvoir et Jean-Paul II qui, 200 ans plus tard, est La personnalité la plus écoutée dans le monde. En deux siècles, l'Eglise a perdu son pouvoir temporel mais acquis un poids moral sans égal. Il lui aura fallu pour cela accepter les droits de l'homme, la laïcité et… la démocratie comme principe de gouvernance pour les nations mais… pas pour elle.
Et c'est là, me semble-t-il, que le rapprochement est à faire entre l'essai d'Henri Tincq et la nouvelle de Dario Fo. Tous deux sont des hommes de gauche, peut-être pas anticléricaux mais certainement pas très d'accord avec la ligne « politique » des deux derniers papes. Et pourtant Henri Tincq souligne leur autorité morale et Dario Fo conclut que c'est de l'Eglise que peut venir le réveil de l'humanité face aux périls qui menacent le genre humain.
Comme si les démocraties parce qu'elles n'expriment pas tant le bien commun que les intérêts majoritaires immédiats étaient incapables de réagir face à un tel enjeu alors que l'Eglise, non démocratique, le pouvait, par eschatologie.
Guy Emerard
Septembre 2007
Dans le prolongement de ce texte de Guy Emerard, voici ce que j'écrivais en conclusion de l'atelier « laïcité et fraternité » sur l'intérêt d'avoir un double système de référence (politique et spirituel) : chacun a la primauté dans son champ mais en acceptant d'être second dans l'ordre d'en face, ce qui oblige à ne penser qu'en termes d' « absolus relatifs » (le plus beau – et le plus utile – des oxymores puisqu'il oblige à un questionnement permanent de ses propres valeurs, ce qui évite de les imposer aux autres !)
J'ajoutais plus loin : Il est souhaitable de reconnaître que les croyances religieuses, spirituelles, philosophiques peuvent contribuer au bien commun car elles sont une aide au discernement de ce qui donne du sens à la vie, parce qu'elles savent aussi promouvoir l'importance de l'engagement. Il ne s'agit pas pour autant de confondre les rôles, ce sont bien les citoyens qui agissent dans la Cité et non les religions en tant que telles. Leur rôle est auprès de leurs adeptes. La première encyclique de Benoît XVI est assez explicite sur ce point. « L'Église ne peut ni ne doit se mettre à la place de l'État. Elle doit s'insérer [dans le débat] par la voie de l'argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s'affirmer ni se développer ». Pour Benoît XVI, les Chrétiens doivent ainsi s'engager : « En tant que citoyens de l'État, ils sont appelés à participer personnellement à la vie publique. Ils ne peuvent donc renoncer à l'action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun ».
Sur ce thème Jean-Baptiste de Foucauld un des fondateurs de l'association « démocratie et spiritualité », avait apporté un très intéressant témoignage au cours des derniers Dialogues en Humanité à Lyon.
HCD
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